howard poeme video 4
howard poeme video 4
Tout comme “les rescapés”, voici un texte extrait d’une adaptation naguère écrite du roman animos(r), édité par les éditions du rouergue en 2000. La vidéo est tirée d’un performance de jean-marc hérouin à la Maison du Off, réalisée à Avignon, en 2001 (1). Voici ce que dit Jean-Marc : “Pour changer de sujet, je vois encore Howard, tourner et retourner l'arme entre ses doigts. Je le revois comme je te vois, tiens, ce sacré bon sang de bonsoir d'empaffé d'Howard, passer et repasser, pof, pof, d'une main sur l'autre, pof, pof, sa chère espingole ; en un geste tellement appris, tellement ressassé, tellement maîtrisé, qu'il paraissait inné, pof, pof ; je le revois Howard, ce gros couillon qui faisait chier son monde, je le revois, pof, pof, effectuer ce geste dont je compris plus tard qu'il avait dû le répéter cent fois, mille fois, qu'il avait dû le rabâcher pendant des heures, pof, pof ; Howard le canidé aviné qui gueule plus vite que son ombre, je le revois glisser l'arme, pof, pof, d'une patte sur l'autre, pof, pof, courbé comme un gosse sur son trésor, son trésor “ qu'est-à-moi-et-à-personne-d'autre ”, d'une main sur l'autre, pof, pof, avec dans l'œil, pof, pof, dans l'œil cette étrange lueur, une lueur dont j'ai su plus tard, beaucoup plus tard, ce qu'elle voulait dire ; pof, pof, plus tard, beaucoup plus tard, pof, pof, quand j'passais mon temps, pof, pof, tout mon temps, pof, pof, toutes mes heures, toutes mes journées à poireauter, des journées entières à branloter, à soupeser, à prendre en main, à inspecter ma propre arme, et puis à - oh, le p'tit grain d'poussière- frotter, à frotter dans les coins et les recoins, dans les interstices, dans les trous d'pine ; avec, au choix, le bout d'un bâton enveloppé dans un tissu graisseux, un carton dur, un morceau de plastique, une allumette, un coton tige, la lame d'un couteau, mais attention aux rayures ! et puis à la brandir, la placer vers la lumière, de biais, jamais assez de lumière, jamais assez clair, jamais assez certain qu'elle est bien nettoyée, impeccablement nettoyée, propre comme un sou neuf ; et puis à faire claquer le mécanisme -CLAC CLAC-, cliqueter les rivets, à palper, tâter, caresser, vérifier, et frotter encore, l'intérieur du canon, essentiel, ça, l'intérieur du canon ; et puis à la brandir encore, à la placer de biais, vers le soleil, la lampe électrique, jamais assez de lumière, jamais assez clair, jamais assez certain qu'elle est bien nettoyée, impeccablement nettoyée ; et puis à l'admirer, la soupeser, avant de la réinspecter, de revérifier le mécanisme -CLAC CLAC-, et puis à flatter la bête, la tourner, la soupeser encore ; et pour finir la remettre dans sa - oh, pas encore bonhomme ! mate ce p'tit grain d'poussière, t’as vu le p’tit grain d’poussière? T’as vu? Alors, on r'commence, mon pote, on se remet à frotter, on s’remet à r'garder de près, de loin, de près, de loin, de très près, de très très près, les yeux louches, le nez collé au guidon, jamais assez d'lumière ch'te dis, bon là ça va, et là ? hein? merde ! là, en dessous, oui, là ! ça va pas ! hé ho ! T'fous d'ma gueule ou quoi ? faut carrément démonter, et pis faut frotter, faut pas hésiter à frotter, l'huile de coude, t'as entendus parler ? attends c'est pas nettoyé ça ! attends faut pas hésiter à astiquer mon pote, dans les coins, avec, aux choix, le bout de l'ongle, un cure-dent, un coton imbibé d'alcool, de graisse, de salive, de vinaigre ou de pisse, chacun son truc, chacun sa recette, chacun sa recette miracle, car il t'en faudra un sacré de miracle, un bon gros miracle, un miracle gros comme le Ritz, un miracle de cocu, un qui t'met définitivement à l'abri de la mauvaise surprise, de la très mauvaise surprise, juste au moment où tu t'y attends le plus ! allez envoyez ! un p't'it blocage de la manette des gaz ! une petite panne de moteur ! un p'tit caprice de paral' pas assez bichonné, hein ! un p'tit refus d'obtempérer, comme ça, juste au moment où ce truc là sera le plus utile, hein ! infiniment plus utile que tout, plus utile que ton cerveau qui sera plus qu'une chiffe molle, une éponge gorgée d'flotte, un immense orage magnétique incontrôlable ; plus utile que ton propre cœur qui pompera tous azimuts, qui battra la chamade pour des prunes ; plus utile que ton propre corps sous hypnose, qui sentira plus rien, lui, rien d'autre que cette chose dans ta main, cette chose qui f'ra ZIP-ZIP-ZIP, et pis pof ! que s'arrêtera d'faire ZIP-ZIP-ZIP, et qui f'ra plus rien du tout, et toi tu sentiras plus rien d'autre que le poids de c'truc dans la main, bon dieu ce truc qui va pt’être bien te coûter la vie, ou pt’être bien te sauver la vie, ou pt’être- alors t'as intérêt à gratter, frotter, astiquer et astiquer encore ; et quand t'auras fini de briquer, tu m'f’ras l'plaisir de la brandir là-haut, ton arme, de la placer de biais, en direction du soleil ou de la lampe électrique, jamais assez de lumière, jamais assez clair, jamais assez certain qu'elle est bien nettoyée, impeccablement nettoyée et quand j'dis impeccablement nettoyée, je dis impeccablement nettoyée ; et une fois qu'elle sera impeccablement nettoyée, tu m'f’ras l'plaisir de soupeser la bête, d'une main sur l'autre, pof, pof, en un geste familier, pof, pof, un geste que t'auras répété cent fois, ressassé pendant des heures, pof, pof, toucher, toucher encore, tourner et retourner l'arme, pof, pof, entre tes doigts velus, exactement comme Howard en ce moment, exactement comme ce sacré bon sang de bonsoir d'empaffé d'Howard, passer et repasser, pof, pof, d'une main sur l'autre, pof, pof, ta chère canardière ; très exactement comme le fait Howard, très précisément comme le fait en ce moment Howard, pof, pof, regarde-le bien, pof, pof, avant de la laisser glisser, enfin ! dans la poche de son pantalon de treillis...” jean-françois paillard - 1999. (1) Par une dialectique subtile de l’ouvrage et du recyclage, ne jamais abandonner le passé aux énigmes qu’il a laissées sans solution (ah! tendre la main à cet enfant resté en souffrance...), mais le faire vivre sans trêve à rebrousse-poil, en poteau d’angle et de guerre contre la paix endimanchée du jugement adulte.
mardi 24 juin 2008