jean-françois paillard - 2002

> extrait du guide du XXIe s t2

Quelques citations

pénétrantes, tragiques

ou cocasses.


"J'ai peur que ces mécaniques ne fassent perdre aux ménagères le goût du travail bien fait, et le sens de cette perfec-tion que l'on n'obte-nait qu'à la sueur de son front", L'Éveil de Nice, 1927.


"Machines à laver le linge et la vaisselle, aspirateurs de pous-sière, balais élec-triques, fourneaux à gaz, salles de bains, confortables cham-bres à coucher semblent insulter la grande misère qu'impose aux travailleurs le régime bourgeois", L'Huma, février 1927.


"Le rendement, le rendement, le rendement, tout doit être sacrifié au rendement, c'est le cri éternel, comme si la cuisine était une usine, une simple machine dont le seul but était de produire des aliments bien cuits", L'art ménager, sept 1933.


"S'il existait un ruban bleu de la popularité, c'est à l'exposition des Arts ménagers qu'il faudrait le décerner", Le Figaro, février 1938.


"Les Américaines disposent mainte-nant, dans leur cui-sine, d'un surprenant radar culinaire, le Radarange. Placé dans un électro-four d'un nouveau genre (...) un bifteck ne fait qu'entrer et sortir !", Le figaro, 4 mars 1950, à propos de l'ancêtre du micro-onde, vu au salon des Arts Ménagers.


"Inspiré par les besoins essentiels et les aspirations humaines vers le mieux-être, appuyé sur les progrès de la science et de la technique, soucieux de faire sa place à la beauté, l'Art Ména-ger est un mode de pensée et, pourrait-on dire, un état d'âme", in l'Encyclo-pédie Française, arti-cle sur la civilisation quotidienne, signé par André jules Louis Breton, fonda-teur de la revue l'Art ménager, 1954.


"Phénomène nou-veau, la publicité a joué un rôle capital dans le succès com-mercial (du Salon des Arts ménagers ndlr) comme dans la création de la mentalité nouvelle dont il est le fruit", magazine Vente et Publicité, mars 1955.


"La Bendix, cette machine à laver devant laquelle, ahurie, je ne sais plus quelle vedette invitée au salon des Arts Ménagers prétendait n'avoir jamais vu aussi terrifiant spec-tacle de télévision !", La Croix, mars 1953.


"Un réfrigérateur ? Oui, je crois que j'en ai un dans ma cuisine", Eugène Ionesco, Arts, 1962


"Le robot est un esclave. L'appareil électro-ménager ("robot marie") en est le précurseur. Mais c'est prothèse de l'homme doit rester purement mécanique. Ses gestes doivent rester discontinus, sac-cadés, inhumains. S'il était le double de l'homme jusque dans sa souplesse ges-tuelle, il susciterait l'angoisse. Il doit avoir toutes les qualités, sauf une, qui fait la souveraineté de l'homme : le sexe", Jean Baudrillard, le sys-tème des objets, 1968


"Les Français sommeillent sur de très anciens lauriers, désormais fanés. Prenant la tête du peloton européen, les Allemands se sont révélés les maîtres de l'équipement ména-ger", Maison fran-çaise, juillet 1970.


"Finies les extravagances, finis les gadgets, mais des programmes pour meubler la maison de A à Z et un retour au bois, un retour au naturel", Le courrier du meuble, 1976.


"En vingt-deux ans, l'équipement électro-ménager est passé de l'état de curiosité à l'état de besoin, d'abord, et à ceci de nécessité banale ensuite. Cette révo-lution peut être considérée comme la rançon du succès", Bernard Verriès, l'officiel de l'équipement ménager, 1982.

Quelques repères

chronologiques


1923

Premier Salon des Appareils Ménagers créé à l'initiative de Jules-Louis Breton, créateur de l'Office national des recherches scientifiques et industrielles (ancêtre du CNRS). Sous le contrôle de la Recherche scientifique et du Ministère de l'Instruction publique, un concours récompense les meilleurs appareils.


1926

Le catalogue officiel du Salon publie « L'organisation des travaux ménagers » par Paulette Bernège


1927

Premier couronnement de la " meilleure ménagère " à l’issue du concours de cuisine et de ménage. Le Salon se donne  pour but de "simplifier les travaux de la ménagère grâce à l'invention d'appareils et aussi de former les femmes à ces appareils..."


1929

Le Frigidaire pénètre dans les cuisines françaises. La marque américaine créée par General Motors a décidé de conquérir le marché international. Distribué en France par la firme suédoise Elecrolux le Frigidaire devient très vite un nom commun – avec son diminutif ‘frigo’. En 1931, Frigidaire utilisera pour la première fois le fréon comme gaz réfrigérant.

cf. http://www.frigidaire-intl.com/history_frigidaire.asp


1946

Le Tupperware


1947

Alors que la législation l'interdit, l’architecte Charles Édouard Jeanneret dit Le Corbusier fait migrer dans son unité d'habitation de Marseille la cuisine et la salle de bains au cœur du logement, grâce à la ventilation mécanique contrôlée (VMC). “Cité radieuse”‚ pour les uns, “maison du fada”‚ pour les autres, ses trois cent trente appartements se composent d’une vaste salle de séjour ou « living » donnant sur des pièces plus petites dédiées au couchage et à la toilette. “Corbu” est un de ceux qui introduisent en France le concept de « cuisine américaine » séparée du “salon-salle à manger” par un comptoir de bar. Largement dénigrées à l’époque, ces innovations préfigurent les appartements d’aujourd’hui, décloisonnés et centrés autour d’une « pièce à vivre » multi-fonctionnelle. Elles ont été largement popularisées dans les années 80 par le fabricant de meubles suédois Ikea.


1948

Après l'interruption de la guerre, le salon reprend. Le concours de la meilleurs ménagère est réinstitué sous le nom de “la Fée du Logis”.


Le terme de “ménagère” tend à tomber en désuétude. On parle désormais de femme au foyer. Une section "gastronomie est ajoutée au salon, qui totalise à cette date plus d'un million d'entrées...


1951

Un pas est franchi : la ménagère se mue en consommatrice informée avec la création de l'Union Fédérale de la Consommation pour avertir et conseiller les utilisateurs.


L'association française de normalisation (A.F.N.O.R. créée en 1926 et la marque N.F. en 1938) fait ses débuts de normalisation du matériel ménager.


Singer fête dans ses omniprésentes publicités (c'est à l'époque la firme dont le budget publicitaire est le plus important au monde...) ses 100 ans d’existence et de réussite. Les ventes atteignent 307 millions de dollars par an. Mais le déclin s’annonce. Dans les années 50 et 60, les machines à coudre Singer ne domineront plus le marché mondial comme elles l'avaient fait dans le passé. Elles sont concurrencées par les produits de firmes allemande (Pfaff), suisse (Elna) et italienne (Vigorelli) et surtout par les machines à coudre japonaises vendues à des prix compétitifs. Singer tente de résister en lançant en 1954 de nouveaux modèles plus légers, techniquement avancés et aux couleurs attrayantes. Mais à partir des années soixante dix, ces efforts ne résisteront pas aux bouleversements de l’industrie du vêtement, devenu moins cher et aisément remplaçable et à l’émancipation des femmes, dont les travaux de couture disparaissent de l’univers quotidien. Les magazines féminins l'ont bien compris: les "patrons" disparaissent au même moment de l’Echo de la mode et de Elle. Plafonnant dans les années 1970, le marché des machines à coudre subira un long déclin. 1980 est l’année symbolique de la fermeture de l'usine Singer de Clydebank (RU), longtemps la plus importante usine de machines à coudre au monde.


1954

Poêle Tefal


1955

Boris Vian Chante

« la complainte du progrès » :

Autrefois pour faire sa cour / On parlait d'amour / Pour mieux prouver son ardeur /On offrait son coeur

Aujourd'hui, c'est plus pareil / Ça change, ça change / Pour séduire le cher ange / On lui glisse à l'oreille

(Ah? Gudule!)

{Refrain 1:}

Viens m'embrasser / Et je te donnerai / Un frigidaire / Un joli scooter / Un atomixer

Et du Dunlopilo / Une cuisinière / Avec un four en verre / Des tas de couverts / Et des pell' à gâteaux/ Une tourniquette / Pour fair' la vinaigrette / Un bel aérateur / Pour bouffer les odeurs /Des draps qui chauffent/Un pistolet à gaufres /Un avion pour deux/Et nous serons heureux


Autrefois s'il arrivait/Que l'on se querelle

L'air lugubre on s'en allait / En laissant la vaisselle / Aujourd'hui, que voulez-vous /La vie est si chère / On dit: rentre chez ta mère

Et l'on se garde tout

(Ah! Gudule)

{Refrain 2:}

Excuse-toi / Ou je reprends tout ça. Mon frigidaire / Mon armoire à cuillères / Mon évier en fer / Et mon poêl' à mazout / Mon cire-godasses / Mon repasse-limaces/Mon tabouret à glace/Et mon chasse-filous

La tourniquette / A faire la vinaigrette/Le ratatine-ordures/Et le coupe-friture

Et si la belle / Se montre encore rebelles/On la fiche dehors/Pour confier son sort/

{Coda:}

Au frigidaire/À l'efface-poussière/À la cuisinière/Au lit qu'est toujours fait / Au chauffe-savates / Au canon à patates / À l'éventre-tomates / À l'écorche-poulet

Mais très très vite / On reçoit la visite / D'une tendre petite /Qui vous offre son coeur

Alors on cède / Car il faut bien qu'on /s'entraide Et l'on vit comme ça / Jusqu'à la prochaine fois/« Viens m'embrasser/Et je te donnerai/Un frigidaire/Un joli scooter/Un atomixer/Et du Dunlopillo/Une cuisinière/Avec un four en verre/Des tas de couverts/Et des pell' à gâteaux »


1946

« Ah, quel bonheur d'avoir un mari bricoleur qui recouvre tout de Formica ! » peut-on entendre dans une pub télévisée en 1956. Matériau en stratifié breveté en 1913 par l'Américain Léo Baekeland (le père de la bakélite), le Formica vient de l’américain « for mica ». Présent en Europe dès 1946, il devient à la mode dans les années 1950 et 1960. Son domaine d’élection est la cuisine, mais on peut le voir un peu partout dans la maison, comme en témoigne le meuble TV-tourne-disque-bar d’Antoine Philippon et de Jacqueline Lecoq, premier prix du concours Formica décerné lors du Salon de la Société des Artistes Décorateurs de 1959…

cf. http://boomer-cafe.net/version2/index.php?option=com_content&task=view&id=114&Itemid=116


1956

Le salon des arts ménagers enregistre son record absolu : 1 402 299 visiteurs


1960

« Moulinex libére la femme » Déjà connue pour son son moulin légume distingué par le concours Lépine, qui fit un tabac à la foire de Paris trente ans plus tôt, la société française d'électro-ménager Moulinex, créée en 1937 en Normandie par Jean Mantelet sous le nom Le moulin-légumes décide au tournant de la décennie 1960 de diversifier ses productions. La marque accompagne à travers l'équipement ménager, l'émergence de la société de consommation des Trente glorieuses. Mantelet développe en moyenne trois nouveaux produits par an, comme en 1960 le hachoir électrique (Robot-Marie, Robot-Jeannette, Robot-Marinette…), la centrifugeuse (en 1963), la rôtissoire , la yaourtière, la cafetière, le presse-agrumes, l'ouvre-boîtes électrique, le couteau électrique, le four à micro-ondes (1979), la machine à fabriquer les pâtes (1980)…

Au début des années 1980, la production journalière atteint 180000 appareils pour un effectif de mille ouvriers. A cette date, Moulinex, qui fermera ses portes au cours de la décennie 1980 est le fabricant numéro 1 de l'électroménager en France.

cf. http://www.moulinex.fr/services/la-marque/LaMarque.htm


1961

A partir de cette date, le salon, qui s'installe au CNIT de la Défense devient un carrefour de la consommation de masse. De nouveau matériaux sont mis en avant, comme le métal léger ou le plastique (1).


1964

Création par la société suédoise Electrolux du Luxomatic, premier aspirateur traîneau  équipé d’un enrouleur de fil électrique, d’un sac à poussière jetable et d’un indicateur de remplacement du sac.

cf. http://www.electrolux.com/node300.aspx

1967

Création de la revue La Maison de Marie Claire, qui deviendra Marie Claire Maison en 1990. Elle inaugure une longue série de magazines de  déco tous issus de la presse dite “féminine”, la déco restant à l’époque l’apanage de madame (cf. le cultissime 100 idées etc.). Info presse en dénombre aujourd’hui une trentaine.


1970

Surgissement de la moquette dans l’appartement des Français, portée par la mode « hippie ». Il faudrait parler des couleurs, des motifs de décoration (papier peint notamment), influencés par la mode “psychédélique” de la côte ouest américaine et, avec un temps de retard, la peinture française (école de Paris, Hélion, Vasarely et même Picasso, qui popularise les couleurs franches et acides etc.) Mais cela réclamerait un sujet en lui-même....


1983

Dernier Salon des arts ménagers appelé en tant que tel. Ce qui est emblématique, c'est que l'affiche, très ironique, du dernier salon a été dessinée par le très sous-estimé Kiki Picasso du collectif culte Bazooka. Le Salon des arts ménagers cède la place au Salon de l'équipement domestique, appelé PROMODO. Il est organisé par et pour les professionnels et se tient au Parc des Expositions de Villepinte. Depuis 1993, il a lieu chaque année impaire pour permettre une alternance avec le Salon du Meuble de Cologne. JFP

Bibliographie

indicative


60 ans d’Arts ménagers, Jacques Rouaud, éd. Syros alternative. L’ouvrage de référence sur le sujet, ou plutôt les ouvrages, car il s’agit de deux énormes tomes de plus de 300 pages chacun, bourrés d’infos pointues et de documents iconographiques rares.


à consulter en bibliothèque :

Les années 50, d’Anne Bony ;

Les années 50, des éditions du Centre Georges Pompidou ; Esthétique domestique, les arts ménagers 1920-1970, de Jean-Bernard Hebey.

Culture

pavillonnaire


Le saviez-vous? L'artisanat et le bricolage sont aujourd’hui en plein essor. Selon l’enquête Cetelem, 82% des Français pratiquent le bricolage, contre 66% en 2002. Les enseignes spécialisées d’ameu-blement et de brico-lage, de type Casto-rama ou Leroy Merlin sont désormais fréquentées par sept à huit français sur dix contre six sur dix, il y a cinq ans. Les en-seignes à prix discount ont vu leur clentèle exploser, comme Alinéa, Fly ou Ikéa, fréquentées par six français sur dix contre quatre sur dix, il y a cinq ans… JFP

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