conso 4 invention des conges
conso 4 invention des conges
Août 1936. Le Front Populaire n’a que trois mois. C’est l’été des premiers congés payés. Le 11 juin, par 563 voix contre une, la Loi a accordé douze jours de vacances annuelles à tout salarié ayant au moins un an d’ancienneté : « Je me souviens d'avoir accompagné à la gare de Lyon de longues caravanes de travailleurs, note dans ses carnets la philosophe Simone Weil (1909-1943). Nous les conduisions sur les quais, ils nous faisaient penser à une noce de village. Ils pleuraient de joie, ils chantaient, ils disaient des choses aussi naïves que : vive la vie ».
Nommé sous-secrétaire d'état aux loisirs et aux sports du gouvernement de Léon Blum, c’est un certain Léo Lagrange, un avocat de 36 ans, qui est à l’origine de tout ce ram dam. Il a même obtenu auprès du directeur des chemins de fer Raoul Dautry un " billet populaire de congé annuel ".
Ce sésame accorde 40 % de réduction pour tous ceux et celles que l’on appelle dorénavant les “cong’ pay”’. Ancien ouvrier métallurgiste, Leandré Letoquart, évoque son premier voyage au Touquet (1) : « Loin de moi l'idée de prendre un maillot de bain. ... J'ai pataugé. On était heureux.... Ce goût de salé nous a surpris. On ne pensait pas que l'eau de mer était aussi salée ! »
« Être payé à ne rien faire ?Foutaises ! »
Contrairement à une idée reçue, l’une des grandes conquêtes sociales du gouvernement Blum (avec la semaine des 40 heures) n’était pas inscrite au programme électoral du Front Populaire. La grande crise économique de 1929 avait fait passer les congés payés au second plan. Voté en 1931 par les députés, un projet de loi sur les congés avait même été bloqué par le Sénat.
Remisés au musée des accessoires, les congés ne faisaient pas non plus partie des priorités syndicales : les cahiers de revendications établis aux usines Renault en avril 1935 ne mentionnaient les « vacances payées » qu’au onzième rang !
Dans les milieux ouvriers, raconte l’historien André Rauch (2), « personne ne croyait sérieusement que l’on pouvait être payé à ne rien faire ». En 1929, révèle une enquête du ministère du travail, seulement 50 000 ouvriers sur les trois millions que compte l’hexagone se voient accorder des congés par leur employeur.
Commerçants, boutiquiers, ouvriers : le populo « trime » avec un bel ensemble six jours sur sept. Possédé par la religion du travail – célébrée par les maxistes aussi bien que par le patronat, ne l’oublions pas (3) - il consacre plus ses dimanches à bricoler ou à jardiner qu’à fréquenter les guinguettes...
Aussi quand le socialiste Léon Blum fait passer la Loi à la Chambre, l’incrédulité est largement de mise : « Mon patron m'a dit : « tu ne reviens pas la semaine prochaine » se souvient le chanteur Francis Lemarque, alors ouvrier au découpage des métaux (1). Je croyais que j'étais viré... Mais non ! tu bénéficies des congés payés, m'a-t-il répondu ! »
« Salopards à casquette »
Rimant avec paresse et oisiveté, « les vacances » demeurent jusqu’à présent le privilège d’une élite fortunée. L’été, seules les grandes familles de l’aristocratie européenne se déplacent vers les luxueuses stations de l’Océan : Boulogne, Dieppe, Paris-Plage, Trouville ou Biarritz, autoproclamée « reine des plages et plage des rois ». Séduits par les doctrines médicales vantant les effets bénéfiques du thermalisme, aristos et riches bourgeois vont « prendre les eaux » à Vichy, Aix-les-Bains, Evian ou La Bourboule.
Quant aux stations de la « Côte d’Azur », selon l’expression nouvelle du membre de l’Académie française Stéphane Liégeard, prisées par une population de britanniques, ce sont encore des lieux de villégiature hivernale. Jusqu’en 1936, la fameuse « promenade des anglais » de Nice est vide l’été. Il ferait bien trop chaud sous les ombrelles des diaphanes ladies !
Autoproclamés primo arrivants, tous ces rupins voient d’un très mauvais œil la « marée rouge » jetée cet été-là sur les routes et les plages de France : « Quelle horreur ! je viens de me retrouver nez à nez avec l’homme qui nous livre le charbon ! » s’exclame une élégante dans une caricature du dessinateur Picq moins élégamment titrée « salopards en maillots de bain ».
«On envahissait littéralement les plages, se souvient Leandré Letoquart. Quand nous nous promenions dans les rues avoisinantes du Touquet, on n’était pas bien vus... On entendait : ‘vous avez de la chance, vous avez les congés payés !’ de la part de ceux qui avaient toujours pris des vacances ! »
Août 36 : une date essentiellement symbolique.
Pur moment de bonheur et de revanche populaire, l’été 36 n’occupe en fait dans l’histoire des congés qu’une place symbolique. En réalité, les départs dépassent à peine ceux des années précédentes ! La loi de 1936 n’a pas changé d’un coup de baguette magique les habitudes estivales des Français : beaucoup ont passé leurs congés chez eux à retapisser leur maison ou à biner leur champ, entre deux promenades en tandem. Certains sont partis voir la famille. Pas bien loin : cet été-là, ils ne seront que 560 000 à emprunter les routes et les rails de France pour découvrir la plage – essentiellement la Manche.
La Révolution est pourtant en marche. Ils seront 1,5 million à partir en 1937, date de l’exposition universelle. Le chiffre annuel du million et demi de vacanciers se maintiendra bon an mal an jusqu’en 1947. Farouchement opposé au principe des congés payés, auxquels il attribue en partie la défaite de 1940, le régime de Vichy n’osera jamais les supprimer. Le flux des vacanciers aura été suffisant pour opérer une Révolution au Sud de la France : celle du boom de la fréquentation des plages l’été. « L’arrivée d’une clientèle estivale à partir de 1936 a contraint les hôtels de la côte à ouvrir en juillet-août, une période où ils fermaient traditionnellement leurs portes », s’étonne encore Madeleine Rampal, une quadragénaire dont le père était directeur du personnel du Carlton de Cannes.
L’essor du tourisme de masse
La marée estivale ne gonfle réellement qu’à partir de 1948 : trois millions de vacanciers partiront cet été-là. C’est l’âge d’or des Auberges de Jeunesse, alors première organisation populaire de vacances. Elles accueillent dans des conditions spartiates la jeunesse éprouvée par la guerre. « l’auberge nous attend dans un coin riant où presque sans argent nous vivrons gaiement ! », s’enthousiasme l’hymne des « aubergistes ».
Quatre millions d’estivants prendront la route ou le train en 1949. Plus de cinq millions en 1951, sur un total de huit millions de vacanciers. Encouragé par la Fédération Française de Camping, qui ajoute en 1952 le mot « Caravaning » à son nom, le camping familial explose. Dès la fin des années 50, les caravanes fleurissent. Les tentes, elles, changent d’allure : on peut désormais s’y tenir debout et un auvent sépare l’espace-repas du couchage.
Flairant l’essor d’une industrie touristique encore embryonnaire, les pouvoirs publics s’activent. Dès 1952, l’année du « plan Marshall », une direction générale du tourisme est créée. Un schéma de modernisation du réseau routier est lancé sous l’égide du Touring Club de France. Le ministère de l’agriculture promeut gîtes et « ruches familiales », sortes de « colonies de vacances » installées en milieu rural. Bénéficiant de subventions, de nombreuses associations à but non lucratif se lancent dans le créneau tout neuf des « vacances organisées ». Créée en 1958, l’association Villages Vacances Familles (VVF) y joue un rôle pilote.
Quelques voyagistes privés ont déjà balisé le terrain. Dès 1950, le magazine « Elle » publie une publicité vantant d’épatants « villages magiques » au Tyrol, en Corse et en Sicile, que fréquenteraient des « stars de l’actualité et du cinéma ». La légende du club méditerranée et de son fondateur Gilbert Trigano, de son propre aveu « enfant des congés payés » (1) est née. À la fin de la décennie 50, le Club comptera déjà 60 000 adhérents. La formule « club » ou « hôtel-club » se répandra comme une traînée de poudre. Notamment chez la Fram (Fer-Route-Air-Mer), créée en 1949. Cette agence de voyage toulousaine affrètera dès 1958 un avion à destination de Palma de Majorque (de 14 places, il est vrai) - Palma qui deviendra la grande destination d’été au cours de la décennie suivante avec le littoral espagnol, puis la Tunisie.
Tourisme « béton » pour touriste « mouton »
À cette date, la Révolution des « Trente Glorieuse » est en marche. Pendant trois décennies, la France connaîtra une période de croissance économique à deux chiffres, stimulée par l’effort de reconstruction et de modernisation sans précédent du pays. Durant ces années qui voient le revenu moyen des ménages plus que tripler, les huit millions de vacanciers en 1951 passeront à vingt millions en 1966. Entre temps la durée légale des congés payés aura doublé : trois semaines en 1956 sous le gouvernement du socialiste Guy Mollet. Quatre semaines en 1962, à la suite d’un accord signé chez Renault.
Les congés riment d’ailleurs de plus en plus avec la sacro-sainte « bagnole », qui équipe déjà deux ménages sur trois. Chaque année des millions de transhumants créent des « embouteillages monstres ». C’est l’époque où les vacanciers partent pour un mois complet et prennent tous la route le même jour. Pour réguler le flot, le gouvernement exhortera dans les années soixante-dix les « aoûtiens » à devenir « juillettistes ». Peine perdue ! Le 2 août 1975, à 11 heures du matin, on recense sur les routes de France plus de 600 kilomètres de bouchon ! Pour remédier à cette situation, on crée l’année suivante « Bison Futé », le Service national d'information routière.
Sous l’afflux des touristes et l’impulsion du ministère de l’équipement, auquel la direction du tourisme est désormais rattachée, le littoral se bétonne à grande vitesse. Vendée, Languedoc-Roussillon et Landes se couvrent de « barres ». C’est la grande période de la bétonnisation accélérée du littoral espagnol : Costa Brava, (Toremolinos, Gandia, Rosas - traduisez la côte sauvage !), la costa blanca (Denia et Benidorm), la Costa del Sol (Malaga, Marbella).
La montagne n’est pas épargnée. S’y multiplient les stations d’altitude livrées clé-en-main par les promoteurs (et les scandales fonciers qui vont avec...) : Vars, Tignes, Pra Loup, Avoriaz, Isola 2000 etc. Leur modèle est La Plagne, station savoyarde totalement artificielle que défigure dès 1964 une galerie marchande installée dans un parking raté : les alvéoles étant trop étroits, les voitures n’ont jamais pu y rentrer !
Incarnation de l'esprit soixante-huitard, le guide du Routard, apparaît en 1972. Respectueux de l’environnement, il rompt avec cette approche envahissante et consumériste des vacances. Son esprit « baba cool » qui privilégie la rencontre avec la culture du pays visité, s’incarne aujourd’hui dans les formes de tourisme équitable. Avec un succès certain : un guide touristique sur trois vendus en France est désormais un Routard.
« tourisme zapping »
C’est dans un contexte de chômage et de difficultés économiques que le gouvernement socialiste instaure, par une ordonnance du 16 janvier 1982, la cinquième semaine de congés payés. Léo Lagrange voulait « faire retrouver aux Français la joie de vivre» La justification politique du gouvernement de François Mitterrand est tout autre : il faut désormais « partager l’emploi ».
Les congés comme moyen de lutte contre le chômage est l’argument central de la loi sur les 35 heures votée en janvier 2000 sous le gouvernement de Lionel Jospin. Parallèlement, la crise économique et le fractionnement des vacances engendrent une offre adaptée à la nouvelle civilisation des loisirs : séjours brefs et ciblés, comme le tourisme d’été en montagne, les week-ends dans des parcs de loisir, Center Parks ou chaînes d’hôtels « à thème ». Finies les « grandes vacances » sur les plages noires de monde (et de cambouis) du Cap d’Agde ou la Costa del Sol ! Bonjour, les semaines « tout frais compris » à l’île d’Aix, Amsterdam, Budapest ou Disneyland ! Le « zapping » a gagné les vacances…
Texte et image Jean-François Paillard
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(*) Cet article a été publié sous une forme amodiée dans l’excellente revue mensuelle ça m’intéresse.
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(1) Dans les congés payés 1936, un documentaire de Philippe Kohly (1999)
(2) André Rauch Vacances en France de 1830 à nos jours, Hachette Pluriel,2001.
(3) On ne dit jamais assez combien les idéologies libérales et marxistes, nées de la Révolution Industrielle, épousent la même conviction prométhéenne de la rédemption de l’Humanité par la transformation laborieuse de la Nature.
samedi 14 février 2009
épisode 4
“ Ils pleuraient, ils disaient des choses aussi naïves que : vive la vie”
l’invention des congés payés (*)
Quelques
repères
chronologiques
1855
“Biarritz,
reine des plages
et plage des rois”
En France, le ‘tourisme’ balnéaire apparaît à la fin du XVIIIe siècle. De grandes stations, telles que Biarritz, Trouville ou Brighton (en Angleterre) voient le jour à la fin du XIXe. Mais ce type de séjour n'est encore réservé qu'à une minorité de nantis. Lancée avec la construction de la Villa Eugénie en 1855, Biarritz par exemple, attire toutes les familles de l’aristocratie européenne.
1903
Le TCF inaugure
la « Corniche d’or »
Se fixant comme objectif de développer le tourisme itinérant, le Touring Club de France (TCF) multiplie les bornes routières, panneaux de signalisation et autres bancs touristiques. Il est à l'origine de la construction de la première route littorale à destination purement touristique, le long des cotes de l'Esterel, la célèbre Corniche d'Or (Var). Inaugurée en 1903, la corniche fut classée « Nationale 7 » jusqu'en 1935.
1912
Naissance des
« grandes vacances d’été »
C’est un arrêté du 20 juillet 1912, qui scelle la naissance des vacances d’été. Passant de 4 à 8 semaines, elles s’échelonnent désormais de mi-juillet à mi-septembre (et non plus en octobre. Se multiplient les œuvres de bienfaisance, laïques ou religieuses, qui organisent pour les enfants des classes populaires les « colonies de vacances ». « Elles permettent aux enfants de réparer leur force en respirant à plein poumons le grand air des champs, pur et vivifiant », nous apprend un rapport de 1918 de l’Oeuvre des Trois semaines, qui pratique le placement familial à la campagne.
1929
Marc Sangnier crée
les “Auberges de Jeunesse.”
Journaliste au Sillon, organe du mouvement pour un christianisme démocratique et social, Marc Sangnier (1873-1950) ouvre la première Auberge de jeunesse en France. Baptisée l’Épi d’Or, elle est construite en 1929 à Bierville (Essonne). L’année suivante est fondée à son initiative la Ligue Française pour les Auberges de la Jeunesse. La même année, la CGT, le Syndicat national des instituteurs et la Fédération générale de l’enseignement créent le Centre laïque des Auberges de la jeunesse.
1936
Les premiers cong’ pay’
La Loi sur les congés payés est votée à la Chambre le 11 juin 1936 par 563 voix contre... une ! 560 000 billets de train «Léo Lagrange» (du nom du secrétaire d’État des Loisirs et des Sports du Front Populaire), à tarif réduit sont vendus. Les « trains de congés payés » seront 600 000 en 1936, 1 800 000 l’année suivante. La « marée rouge », ainsi appelée par la bourgeoisie de la côte d’Azur à cause de ses origines politico-syndicales envahit les plages.
1938
Le lancement de la revue Camping par le Touring Club de France et la création de l’Union Française des associations de Camping (UFAC) inaugure l’ère du tourisme de masse.
Années 40
L’époque voit se développer les Maisons de la culture, Ciné Liberté, les associations sportives (Fédération sportive et gymnique du travail) et de plein air (cyclotourisme, camping, Auberges de la jeunesse, gîtes ruraux, aviation populaire). PuiS les chantiers de jeunesse de Pétain...
1945
Les Guides Michelin deviennent « Guides Vert ».
Depuis 1904, Michelin publie des guides touristiques régionaux, destinés aux vacanciers bourgeois et érudits, les Guides Rouges. Orienté vers un plus large public, signalant le « pittoresque » du parcours par les abréviations « pitt » ou « tr. pitt. », le nouveau Guide Vert se présente comme le « vade-mecum de l’automobiliste ». Plus passionné par la route que par les églises et musées, ce dernier est en effet devenu un acteur incontournable de la mdernité.
Années 50
Fernand Léger met en scène les loisirs populaires dans La Partie de campagne (1954), en passant par Les Deux Cyclistes (1951) et Les Campeurs (1954), dont beaucoup de détails semblent appartenir aux souvenirs des congés payés de l’avant-guerre.
1950
Création du Club méd’
En 1950, Gérard Blitz imagine un autre monde, avec ses chefs- animateurs (les Gentils Organisateurs), ses membres (les Gentils Membres), ses rituels... Les villages qu'il crée avec Gilbert Trigano - d'abord à Alcuidiia aux Baléares, puis en Italie et en Grèce - sont pour lui le lieu de réconciliation de l'homme avec lui-même : "Nous sommes branchés sur la libération intérieure de l'homme, explique-t-il. Et nous utilisons ce douzième mois où il n'est pas pris dans l'engrenage des mécanismes, pour lui donner accès à sa véritable nature. Chouette ! Le prix du séjour pour 15 jours, voyage compris s’élève à l’époque à 15 900 FF. (correspond à 159 FF d'aujourd'hui).
1955
Les usines Renault montrent une première fois la voie. C’est leur président, Pierre Le Faucheux qui est à l’initiative de la 3e semaine de congés payés.
1956
La mesure est ensuite généralisée par le socialiste Guy Mollet. (Le congé annuel payé est porté de 12 à 18 jours) dans un climat de montée des dépenses militaires en Algérie et le déficit budgétaire. Quarante ans plus tard, Edmond Maire déclare : « En se plaçant dans la lignée de Léon Blum, Guy Mollet, le chef socialiste, montre qu’il est fidèle à la tradition de la gauche. Mais ce geste politique servait aussi à masquer sa décision de mener la guerre d’Algérie ».
Charles Trenet chante la route « Nationale 7 ».
On mesure moins aujourd’hui la dimension ironique de la chanson, inspirée par les embouteillages homériques sur cette « route des vacances », la plus empruntée de France, à l’époque pour aller de Paris à Menton.
De 1950 à 1955, les déplacements de vacanciers effectués en automobile ont doublé ! Tuée par l’autoroute, la RN7 est aujourd’hui l’ombre d’elle-même : en juillet 2005, le ministre des transports, Dominique Perben a décidé de transférer dix-huit mille kilomètres de routes nationales aux départements. Depuis le 1er janvier 2006, dans la Nièvre et à partir d’Avignon, la célèbre Nationale 7 n’est plus qu’une simple départementale. Il faudrait parler de la transformation du réseau routier en France, mais ce sera pour une autre fois...
...suite dans la colonne de gauche.
Quelques
chiffres
Statistiques de l’INSEE sur les taux de départs en vacances d’été en fonction des catégories professionnelles, :
40 % des ouvriers sont partis en 1965 ;
49 %, en 1975 ; 55 % en 1976.
Le développement des vacances d’hiver (2 % des Français en 1969) apparaît avec la quatrième semaine de congés payés (1969).
Enquête INSEE sur les vacances (2001) :
"Chaque année, quatre Français sur dix ne partent pas en vacances. Après des décennies de croissance régulière, la proportion de ceux qui partent en vacances stagne depuis le début des années quatre-vingt-dix. Parmi ceux qui ne partent pas, quatre sur cinq n’ont pas pris de vacances en raison de contraintes (financières principalement, mais aussi familiales, professionnelles, de santé ou autres) et non par choix.
Aujourd'hui, six Français sur dix partent au moins une fois dans l'année, 4/10 partent une deuxième fois en hiver, 3/10 partent plus de trois fois.
La durée moyenne des vacances d'été se réduit à douze jours.
Ce fractionnement des congés traduit aussi l'évolution des rythmes de travail : on part plusieurs fois parce qu'on ne peut plus tenir toute une année avec la pression du bureau.
Quelques
citations
...pénétrantes,
tragiques
ou cocasses.
« Je ne suis pas sorti souvent de mon ministère, mais chaque fois que j’ai traversé la grande banlieue parisienne et que j’ai vu ces routes couvertes de tacots, de motos et de tandems avec ces couples d’ouvriers vêtus de pull-over assortis, j’ai eu le sentiment que j’avais malgré tout apporté une embellie, une éclaircie dans ces vies difficiles et obscures. On ne les avait pas seulement arrachés au cabaret, on leur avait ouvert une perspective d’avenir, on avait créé chez eux un espoir. » Léon Blum, au procès de Riom du 19 février 1942, instrumentalisé par Vichy, l’accusant d’avoir perverti les travailleurs en faisant voter la loi sur les congés payés.
Edmond Maire : « A la fin des années 50, avec le goût du confort et le souci de brasser des populations de classes sociales différentes, les VVF ont été créés en réaction contre les maisons familiales et les auberges de jeunesse, qui étaient très frustes ».
Jacques Calvet, ancien patron de Peugeot : « Dans les années soixante, on est passé du droit au repos au droit aux vacances ».
Pierre Mauroy : « Quand on part en vacances en France, on part deux semaines avec Blum, la troisième semaine avec Guy Mollet, la quatrième avec le général De Gaulle et la 5e avec François Mitterrand et Pierre Mauroy… ».
Edmond Maire : « Qui parle encore de congés payés ? Aujourd’hui, on parle de capital temps, d’aménagement du temps de travail... »
Gilbert Trigano : « je crois que dans les années qui viennent, on va inventer dix, vingt, trente façons de prendre des vacances »
Didier Daeninckx : "Cette immersion a mis à mal certaines certitudes et m’a fait découvrir des dizaines de faits surprenants. La présence de l’un des derniers communards, dans une manifestation et cette expression « Salut les copains » que l’on croit née sur Europe n°1 dans les années soixante, et qui résonnait en fait dans les auberges de jeunesse, comme signe de ralliement...”
Antoine Prost : " Avant 36, les employés (de banque, de commerce, de bureau) qui étaient mensualisés bénéficiaient de congés. Il n’en allait pas de même pour les ouvriers, dont la paie tombait tous les quinze jours et qui étaient payés à l’heure (ils le resteront longtemps, du reste, puisque la généralisation de la mensualisation est une conquête de 1968). De fait, le paiement à l’heure conduit à penser que si l’on ne travaille pas, on n’est pas payé. À l’époque, l’idée d’ " être payé à ne rien faire " est incroyable, paradoxale. On peut considérer, de ce point de vue, que le Front populaire est davantage une conquête de temps que de salaire, parce qu’avec les 40 heures et les congés payés, c’est le temps qui est à l’ordre du jour - le temps soustrait aux chronométreurs. "
A lire,
à voir.
André Rauch Vacances en France de 1830 à nos jours, Hachette Pluriel,2001
15 jours en août, l’embellie, Documentaire de François PORCILE (1996). Durée 51’30’’. Coproduction France 3 nord Pas-de-Calais Picardie / Les Productions Cercle Bleu.
Les congés payés, 1996, 52 mn, France, couleur Réalisateur : Philippe Kohly auteurs Olivier Duhamel et Jean-Noël Jeanneney Production : Cinétévé – La Cinquième
Quelques
repères
chronologiques
(suite)
1962.
Après la fin du conflit Algérien, au début de la cinquième république vient la 4e semaine de congés payés. Renault, vitrine sociale est une fois de plus à l’avant-garde. C’est son président Pierre Dreyfus qui prend la décision d’étendre cette mesure à l’ensemble des salariés sans même que le gouvernement soit prévenu, ce qui ne va pas sans grincements de dents. Le mouvement est irréversible et Georges Pompidou généralise la mesure à la France entière.
Plus de 20 millions de Français partent en vacances. C’est le temps d’une concentration moutonnière au mois d’août sur les plages.
Par réaction, les nouvelles générations regardent ailleurs. Vient alors le temps des clubs qui offrent aux vacanciers la possibilité de vivre hors du temps et de l’argent en imitant la vie sauvage… Dans l’abondance, évidemment.
1967
La Grande-Motte, symbole
des congés d’été à la mode béton.
C’est en 1967 que l’architecte Jean Balladur, inaugure les premières pyramides de la Grande-Motte, aux côtés de Raymond Marcellin, alors Ministre du Plan et de l'Aménagement du Territoire. En juillet 1968, la ville ne compte encore que 700 habitants. Les premiers vacanciers s'installent dans la pyramide "Le Provence" encore inachevée. Cinq ans plus tard, ils seront 20 000 à fréquenter ses plages. Aujourd’hui, la Grande-Motte compte 7000 habitants l’hiver et plus de 120 000 l’été.
1969
Lancement du projet Val-Thorens,
“plus haute station d’Europe”
Le 17 mai 1969, le président Pompidou promulgue la loi sur la quatrième semaine de congés payés. Que faire de cette semaine supplémentaire ? Partir au ski ! se disent de plus en plus de cadres d’entreprise, séduits par les formules de multipropriétés proposées par les promoteurs. 1969 est justement l’année du lancement du premier projet de station totalement artificielle, celui de Val-Thorens. En 5 ans, de 1969 à 1972, près de 25000 lits seront construits à 2300 mètres d’altitude…
1972
Premier guide du Routard.
De retour d’Inde, Philippe Gloaguen crée le guide Routard, incarnation de l'esprit soixante-huitard. En trois décennies, l'ancien bréviaire des babas cool révolutionnera une certaine approche du voyage, loin des «voyages organisés» et autres «complexes touristiques». Aujourd'hui, un guide touristique sur trois vendus en France est un Routard. Soit 2,5 millions d'exemplaires par an.
1981
5e semaine de congès
Avec le retour en 1981 de la gauche au pouvoir, « changer la vie » redevient le mot d’ordre de la génération Mitterrand. Le Front Populaire redevient une référence : dans le gouvernement Mauroy est créé un ministère du temps libre. Pierre Mauroy : « Dès que je suis arrivé au pouvoir, j’ai voulu créer la 5e semaine » Viendront ensuite les 35 heures et les fameuses RTT, qui fragmenteront les vacances...