nous autres 1
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Essai premier. Le texte est un extrait, sujet à modification. Première mouture de la bande son d’un film tourné en partie en Syrie.
PS. Pour les quelques amis qui suivent mon travail : le numéro 2 de la revue Territoire3, qui contiendra des textes, vidéos et images nouveaux - dont un extrait du roman en cours - paraîtra bientôt. Patience...
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“ Nous autres revêtons maintes formes et manifestations vivantes possibles : plus d’un million de millions de façons d’éveillés. Et pourtant ces façons, quand ils daignent y prêter seulement attention, toutes, sans exception, dans leur état natif, sont jugées par eux au mieux indéchiffrables et risibles, dans le pire vulgaires et malséantes.
Et cela bien qu’au bout du compte, ils finissent invariablement par les recycler, à toute fin utile, dans leur univers machine destiné à plier l’Homme à la fin dernière qui est la leur.
Cette opération, qui relève du plus pur escamotage, leur permet sans rougir et sans doute possible de s’allouer la paternité de ce qui doit authentifier leur prétendu génie naturel.
Par cette manigance, qu’ils parent des vertus de quelque alchimie par eux seule éprouvée, et qui met en oeuvre des dispositifs à nos yeux incommensurables et compliqués, nos façons spontanément vivantes et éternelles sont reproduites par eux avec le sérieux de la méthode commerciale, celle-là qui aplatit, désole, désincarne et bouffonne.
Ainsi reproduits comme hors sol, nos us et arts sont conviés à épouser cet étrange projet de mort qu’ils ont en tête pour toute chose dont ils s’éprennent : mâchées, puis remâchées, transmuées en consommables, c’est-à-dire en objets mortels, nos propriétés sont mises en circulation pour être aussitôt entassées en montagnes d’ordures périmées.
Ces montagnes, parfois recrachées en fumées par la cheminée, s’élèvent, hautes et ombreuses, sur des territoires rendus invisibles à leurs regards (dont le champ de vision est sans cesse corrigé par un usage approprié de l’image et du cadrage) et dans lesquels ils nous obligent à vivre, auxquels ils finissent par nous confondre, au point de croire que nous en sommes l’essence...”
(c) JFPaillard 2010
(à suivre)
samedi 1 mai 2010