prclockparledecrise 3
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Ciel ! le pr. Clock parle en moi !
Nous avons tous un professeur Clock en nous, il ne tient qu’à nous de le faire parler.
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Question de crise / 3
Résumé : Descendant sous terre et se couvrant de ridicule en tançant d’imaginés ennemis, l’auteur perd l’essentiel de ses lecteurs en route, mais gagne l’estime d’une poignée d’entre eux…
< page précédente « …la charte d’entreprise et ses quinze-règles-comportementales-pour-se-sentir-pleinement-dans-la-peau-de-l’entreprise, lévrier auto entraîné ayant atteint, voire dépassé, ce qui tient du prodige, ses objectifs de chiffre d’affaires, après qu’il a donné, lors de l’entretien individuel d’évaluation, la papatte-au-chef mon chien chien tout plein, le droit de faire afficher, sur la porte vitrée de son box raflé de haute lutte au nez et à la barbe de ses ennemis-coreligionnaires, un cartel portant le titre ronflant de manager ès truc avec chaussettes à fil, jupe Prada, pompes clinquantes, petit déj’ derrière vitres sans tain, voiture de fonction Volvo pas tout à fait comme les autres, bazar numérique zit zit tape à l’oeil qui s’alarme même le week-end, avec, à terme, en Vision Futur 3D presque certain, la maison-secondaire-envie-de-campagne équipée écran plat, petits ponts sur ru, carpes à gogo et golf en pente douce, et peut-être, je dis bien peut-être, si et seulement si tu exploses les ventes par tes best practices, une jolie série de week-ends-convention-boîte-biture-baise aux Fidji - ou à Plougastel Daoulas, suivant résultats, avec petit matin encore bourré dans le jacuzzi bouillonnant de l’hôtel cinq étoiles de ta réussite VRP. Autant de procès idiots, process disent les emboxés, rendus possibles, ceci de façon implacablement “objective”, par les nouvelles armes à instructions massives que sont les outils modernes et informatisés de mesure-rétribution-sanction de la productivité individuelle des hommes et des femmes au travail, véritables joyaux d’asservissement technocratique inventés dans les entrepôts de Detroit ou Sheffield, dans les casernes de prusse orientale et les fonderies kruppienne de haute silésie, peaufinés par le nazisme et son obsession fichagière, mis sur carte perforée en Amérique par les hommes en blanc de Big Blue et resservis sous Fortran, Pascal, Basic, C++, SQL, Open Access, façon base de donnée relationnelle microprocessorale, en aide-à-la-décision-plat-qui-se-mange-froid dans les entreprises françaises, à grand fracas de slogans tapie-modernistes - un comble ! - au cours des maudites années 1980. Une productivité-tout-crin, dis-je, une productivité-seule-solution-pour-en-sortir, redis-je, popularisée sous le terme novolanguais faisandé de “performance” par les stipendiées équipes d’homogénéisateurs qu’étaient et que sont et que seront toujours nos autoproclamés experts, spécialistes, informateurs, observateurs, journalistes, économistes, fumistes et autres faux gourous, psycho-coaches de bazar, maîtres ès best sellers en art-du-management-en-dix-leçons-yau-de-poèle ! », me hurlait dans le conduit auditif le professeur-Clock-que-j’ai-en-moi, du moins l’idée qu’en avais à cette heure : extollé, opignéré même, comme damné par une male serpe, sa formidable voult vougeante, ses oeils hors de la teste, sa toison hérissée, sa bouche torse et hypersécrétante, ses mains crocheteuses me secouant rudement en tous sens car à ce stade, oublieux de mon devoir de scribe servile, je m’étais endormi sur ma couche : « Or, là-dessus, je vous le donne en mille, mon gaillard de Paillard ! Car devinez ce qu’il advint-il ? s’égosillait le professeur-Clock-que-j’ai-en-moi. Vous ne répondez pas ? Par la grande bottine au cul ! Monsieur s’enronfle ! Eh bien ! je vais quand même vous le faire ouïr mon cochon : il se trouva que le modèle taillé sur mesure, je veux parler du costard-référent suprême, sa brague bien ouverte sur le merveilleux monde des objets enfarinés, j’ai nommé le « consommateur moyen », celui-là même qui, par son docile bon vouloir de boeuf-à-gober-tout-prêt-la-grande-fable-du-monde assurait bon an mal an, sans date de préemption prévue, la pérenne ripaille des économies occidentales, eh bien! l’autrement dit chair-à-rêve-pour-maison-de-plain-pied-quatre-quatre-barbecue-d’estronc-fin-à-la-nasardine en prit un bon coup sur les naseaux, non seulement parce que la progression de son salaire avait été oubliée en bord de bretelle d’autoroute, effet d’éviction oblige, au profit de celle du revenu ratiboiseur de l’actionnaire-vautour entre temps promu actio-nerf de la guerre par toute une bande de retourne-veste, angelots à face de goule pensive, crétins des alpes, asnes couillards, esgarés plus ou moins de bonne foi, tous obnubilés par le babil cryptique d’une poignée de hâbleurs à tête de Ronald Reagan autoproclamés experts ès utra-libéalisme, mais aussi parce que le volume en poche de son pognon moyen, au bougre de quidam, autrement dit le revenu moyen du consommateur moyen, cœur-de-cible du capitalisme d’après-pénultième-guerre, fer-de-lance, assuraient les discoureurs de tous poils, de la sacro-sainte-classe-moyenne-qui-projette-un-rêve-de-progrès-infini-qui-fait-que-quoi-qu’on-fît-tout-se-terminerut-bien-à-la-fin, son revenu donc, se mit à branler du manche, à broyer du noir, à tourner de l’œil, à se dégonfler, à se débiner de plus en plus, et même à piquer carrément du nez, fût-ce tendanciellement, et cela tout au long des années 1980, puis 1990, puis 2000, et pour finir à s’amoindrir du bragmard, jusqu’à porter médaille de cocu, et cela pour de plus en plus de monde : femmes, enfants, xenomanes et autres affamés, cols verts, bleus et blancs, n’épargnant ni les carapatés dans les recoins presque invisibles ni les malins ayant creusé des niches secrètes ni les assistés à vie d’Etat, celui-ci prétendument rempart inexpugnable contre toute bataille pharsalique pourtant vite transformé en ruine fumante, vouée au chant des cycnes, mur de toutes les lamentations devenu objet presque risible d’un apartheid honteux, un système double campant d’un côté du grillage les privilégiés nantis et de l’autre la valetaille des vacataires-qu’on-voit-à-peine-mais-si-serviables, avec - mais comment en aurait-il pu en être autrement ? - l’accord tacite-contrit-veux-pas-l’savoir des seniors enclassés et autres agrégés-administrateurs-professeurs ès impératif catégorique et autres sophistes en lettres latines, classés a, b, c, tous assurés de conserver jusqu’à la mort leurs prébende, traitement, titre et poste, mais tous assistant (sans moindre petit doigt levé car feignant, bien qu’assis aux premières loges, l’incrédule, l’absent et l’effaré), aux écartèlement et démembrement de la fonction publiquante, à sa démantibulation méthodique, doigt par doigt, pierre par pierre, linteau par linteau, colonnade par colonnade, huis, porte, fenestre et bidet itou. Le bel ensemble avec vue sur l’humaine aménité devenu hall vidé de toute substantifique moelle, liquidé propre-en-ordrement par nos amis les réformateurs cités supra, débité au kilomètre, dézingué à tout va, offrant au final à nos oeils incrédules, la vision hugolienne, yérihonienne et fumante d’un champ-de-bataille-sans-qu’aucune-guerre-n’ait-jamais-eu-lieu !…», me cracha au visage le professeur-Clock-que-j’ai-en-moi, et ce disant se mit à pleurer comme une vache. « Et tout ceci au profit de qui ? se lamenta-t-il. De nos zamis les porteurs de titres, certes, mais point seulement mon pauvresque ami, n’oublions pas les récipiendaires de titres ronflants et de revenus salariaux gargantuesques, dûment complétés stock-option, aultrement dict cette satrapante minorité de salariés nantis d’enflures dignitalisantes, ce club funeste d’augustes pompes à fric trônant là-haut, tout en haut d’une pyramide salariale étirée comme un sidéral chewing-gum, cette maudite engeance de gommeux et gommeuses, plastronnants et plastronnantes, iambus marchant sur leurs eschasses VIP, attachés au service de la propagation, de l’entretien, du respect et du contrôle des nouvelles règles capitalistiques, j’ai nommé le club pathétique des ordures-à-leur-corps-défendant que sont les marketeurs, les phynaciers, les trésoriers, les back officeurs, les front officeurs, les traders, les rataconneurs de bobelins-à-la-télé, les dollar paris, les chargés du développement, les contrôleurs, gestionnaires, managers, publicitaires, lavallières, graisseurs de bottes, dégraisseurs de bonnets, chefs de produits, dérivés ou non, les créatifs pour couche-culotte, consultants de tous ordres, experts, commercialiseurs et empapaouteurs de tous acabits, directeurs opérationnels, fonctionnels, optionnels, à trois barrettes sur épaule, chargés d’affaires, écumeurs de marmites, expatriés, maîtres muletiers et esclavons, administrateurs, formateurs, informatichiens, ratisseurs ès “ressources humaines et commerciales”, en banque, au fixing, comptables de cuisine et autres cadres supérieurs des grandes entreprises internationales, supranationales, multinationales, transnationales et alternationales, le sexe important peu pourvu qu’on ait l’exemption fiscale… »page suivante (à suivre demain) (c)JF Paillard 2008.
mercredi 25 mars 2009