inegalites 3
inegalites 3
identités/ inégalités
questions autour de la discrimination positive
3 de quelques solutions miracles pour réduire les inégalités...
Sont-elles vraiment efficaces ? A vous de juger...
Le micro-crédit.
Le fondement philosophique du micro-crédit se trouve chez l’économiste indien Amartya Sen et sa théorie des « capacités » (Commodities and Capabilities, 1987). Cette approche se propose de juger la qualité de la vie à partir des capacités concrètes – en termes de volonté, de possibilité et d’environnement - qu’ont les individus de la transformer. Souvent, ces capacités sont réduites à peu – sinon rien. En démocratie par exemple, la liberté d'entreprendre est garantie, mais peu ont les moyens concrets de créer leur propre entreprise. En donnant accès au capital à de nombreux travailleurs, le micro-crédit se veut une réponse à cette aporie. Faire du travailleur pauvre un capitaliste et un entrepreneur : voilà un tour de passe-passe qui aurait laissé Karl Marx pantois ! L'attribution de prêts de faible montant à des individus qui ne peuvent accéder aux prêts bancaires a été développée en Inde par l’économiste bangladais Muhammad Yunus. L’homme a créé en 1983 la Grameen Bank, qui dispose aujourd’hui de 1400 succursales et travaille dans plus de 50 000 villages indiens (grameen signifie village). Depuis sa création, elle a déboursé 4,69 milliards de dollars de prêts et affiche des taux de remboursement dit-elle, de près de 99 %…
L’allocation universelle.
Dans son livre Agrarian Justice (1796), l’Anglais Thomas Paine évoquait déjà l’idée d’une dotation inconditionnelle pour tout adulte, de même qu’une pension de retraite inconditionnelle à partir de 50 ans. L'Alaska a déjà mis en place une allocation unique, versée à tout citoyen (y compris les enfants) par le Fonds Permanent de l'Alaska, qui détient des ressources minières, notamment pétrolières, du pays. Le montant distribué (environ 1200 euros annuels en 2007) est cependant très loin de satisfaire les besoins primaires d’un individu pendant une année entière, comme l’a imaginé le philosophe belge Philippe Van Parijs dans son ouvrage L’Allocation universelle (2005). Pour Van Parijs, cette allocation unique et forfaitaire devrait remplacer tous les autres dispositifs d’aide financière émanant de l’Etat : RMI, crédit d’impôt, allocations chômage, prime pour l’Emploi, minimum vieillesse etc. Mieux : tout le monde - rentier, patron, ouvrier…- la recevrait, et cela quels que soient ses revenus. « Comme tout le monde la toucherait, aucun phénomène de stigmatisation ni de honte n’affligerait son bénéficiaire, argumente Van Parijs. Cette allocation conférerait un maximum de liberté à chacun : on pourrait se vendre sur le marché du travail, préférer le temps libre, faire du bénévolat ou s’orienter vers des activités artistiques, philosophiques voire scientifiques…” Dans son essai The Stakeholder Society (1999), le juriste américain Bruce Ackerman propose de façon similaire de verser à toute personne majeur une allocation de 80 000 dollars financée par l’impôt sur le revenu. Proches du « solidarisme » d’un Léon Bourgeois (1851-1925) ou de la pensée des « nouveaux » libéraux du début du XXe siècle, toutes ces propositions négligent un fait qui crève pourtant les yeux : les inégalités de ressources ne sont pas la seule explication de l’exclusion. La solidarité doit avoir comme souci non seulement le niveau de vie, mais également les facteurs sociaux et culturels qui empêchent l’exercice plein et entier des droits et des bénéfices de la citoyenneté.
Le droit opposable au logement.
Dans La République (env. -370 av. J.C.), le philosophe-roi décrit par Platon assurait déjà aux citoyens de la cité non seulement l’éducation, la paix et la concorde, mais aussi un toit. Aujourd’hui, le droit au logement fait partie des droits proclamés par la Déclaration Universelle des droits de l’Homme. Il est notamment mentionné dans de nombreux textes à valeur constitutionnelle, en Espagne, Finlande ou Suisse. Sur les pas de Saint François d’Assise, la fondation de l’abbé Pierre pour le logement des défavorisés en a fait dès les années 1950 une cause nationale en France. Suite aux actions de l’association Les Enfants de Don Quichotte, une loi instituant le droit au logement opposable a été promulguée en mars 2007. Commentaire du philosophe Catherine Audard : « Le droit au logement devrait être une garantie au même titre que la santé et l'éducation, qu'un régime démocratique et libéral doit assurer à ses membres. Mais droit opposable ? ‘Juridiciser’ ce qui est une politique sociale avant tout? Je suis sceptique parce que j'ai tendance à prendre les droits au sérieux… » Certes, mais l’on peut aussi douter de l’efficacité réelle d’une telle « opposabilité » - et s’en alarmer : Depuis la promulgation de la Loi, des milliers de demandes de logement ont été déposées. Quelques dizaines seulement ont reçu à ce jour une suite positive...
La parité homme/femme.
La Déclaration universelle des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 proclamait que "les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits". En cette même année 1789, lors des débats préparatoires à la formation des assemblées, le principe du droit de vote des femmes n'est même pas évoqué ! Commentaire du philosophe Sylviane Agacinski dans Métaphysique des sexes (2005) : "L'universalisme est un leurre. Toutes les fois qu'on efface la différence sexuelle, on identifie en réalité le genre humain à un seul sexe, celui de "l'homme"... » Si ce « sexisme de droit », pour reprendre une expression de Sylviane Agacinski a disparu en France (les femmes votent et ont accès à toutes les catégories d’emploi) un « sexisme de fait » demeure. Il est à la fois économique (selon l’Observatoire des inégalités, à poste équivalent, les femmes gagnent en moyenne 10% de moins que les hommes) et politique (les fonctions électives sont massivement détenus par les hommes). Pour remédier à l’inégalité politique, la France s’est dotée en juin 2000 d’une loi sur la parité, unique au monde. Avec des résultats mitigés. Aux élections législatives, la loi prévoit de pénaliser financièrement les partis politiques qui n’auront pas présenté 50% de candidats de chacun des deux sexes. La part des femmes députées a peu augmenté : de 11% en 1997 elle est passée à 18,5% en 2007, les partis préférant voir leurs aides amputées plutôt que de respecter la loi et présentant une majorité écrasante de femmes dans des circonscriptions ayant peu de chance de «basculer»... Lorsque la loi a un caractère vraiment contraignant, le changement est radical. Les listes présentées aux élections municipales ne respectant pas la parité sont tout simplement rejetées. Résultat: dans les communes de plus de 3500 habitants et plus, la proportion de femmes élues conseillères municipales a presque doublé avec 48% en 2008 contre 26% en 1995…
Le plafonnement des plus haut salaires
Bien avant Max Weber et son Ethique protestante et l’esprit du capitalisme (1904), un ouvrage majeur dans lequel l’auteur montre comment « une religion en vient à chercher le salut de l’Homme dans l’accumulation de toujours plus d’argent », Alexis de Tocqueville avait vu que non seulement le protestantisme anglo-saxon ne réprouvait pas l’inégale répartition des richesses, mais qu’au contraire, il l’encourageait : « Parmi les différentes doctrines chrétiennes, le catholicisme me paraît l'une des plus favorables à l'égalité des conditions, dit-il en substance dans De la Démocratie en Amérique (1835). Je dirai le contraire du protestantisme qui, en général, porte les hommes bien moins vers l'égalité que vers l'indépendance. » C’est précisément cette idée d’indépendance du citoyen, confondue avec celle de liberté individuelle, qui est au cœur de la plupart des doctrines économiques libérales d’hier et d’aujourd’hui, rétives à toute intervention des Etats dans le sens d’une redistribution plus égalitaire des richesses et des revenus. Le philosophe libertarien américain Robert Nozick va plus loin encore. Dans son ouvrage Anarchy, State and Utopia (1974), il réfute radicalement la problématique de l’égalité comme « non pertinente ». Pour lui, riche ou pauvre, « toute personne possède de droit ce qu’il lui appartient ». Nozick pousse même le raisonnement (ou la bêtise?) jusqu’à prétendre que les inégales répartitions de revenus ou de propriété entre les individus « ne sont pas de l’ordre de l’injustice mais de la malchance » ! Les écarts de revenus ne cessent quant à eux de croître inexorablement. En France, par exemple, les grands patrons gagnent en moyenne de 6 millions d'euros par an, d'après une enquête Haygroup. Il est loin le temps où Henry Ford lui-même disait qu’une société était en danger si le salaire de son patron dépassait plus de dix fois le salaire moyen de ses employés…
J-F P
jeudi 18 mars 2010