un heros 2 boite 2
un heros 2 boite 2
Un héros / 2 / Boîte
Quinze mois auparavant, j’avais eu ce mouvement de recul: Tiens, m’avait dit mon père. Ce sont des papiers. Les papiers de ton grand-père... Il m’avait tendu cette vieille boîte en carton. J’ai fait un peu de rangement. Jette un œil là-dedans. Cela va t’intéresser... M’intéresser, m’intéresser. Qu’est-ce qu’il en savait, mon père ? Eût-il dit cela pourrait t’intéresser, que cela m’aurait peut-être intéressé. Prends cette boîte, insistait-il. Il avait déjà perdu quatre ou cinq kilos. C’était étrange cet amaigrissement. Qu’avaient précédé ces douleurs à l’épaule et au bas du dos. A l’époque, mon frère et moi avions mis ces “bobos” sur le compte d’une dépression. Je me vois encore, prenant ma mère par le bras, cheminant vers la cuisine, chuchotant : une dépression, je te dis. Cet amaigrissement. Cet assombrissement. Pas de doute. C’est dans la tête. C’est psychologique...
Oh, tu m’entends ? Prends cette boîte, me disait mon père. Il avait du mal à me la tendre, cette boîte. Avec ses deux bras déjà bien affaiblis - deux bras aux muscles étrangement flasques, qu’il exhibait de temps à autre avec étonnement: Tu as vu? Je suis en train de fondre, non? Et au bout des bras, cette main qui, par comparaison, paraissait de jour en jour plus énorme. Les papiers de ton grand-père, je te dis... Il marchait déjà bien courbé, mon père. Cisaillant l’air de ses grandes jambes panardes d’ancien cavalier. Avec dans le corps, ce mal qui avait surgi deux mois plus tôt, le touchant d’abord à l’épaule, et puis là : quelque part du côté des reins. Une douleur terrible, assurait-il. Et moi, campé devant lui. Moi lui parlant gentiment : allons, allons papa. Il faut que tu fasses des étirements. Me courbant en deux, prenant à témoin ce corps qui fondait comme neige au soleil : Des é-tire-ments. Tu m’entends ?
(à suivre)
samedi 20 mars 2010
un
héros
jean-françois paillard
Chant premier : Encheirogaster
Ut Cyclopea euersa manibus saxa nostris concidant…