“ L’accueil, les fleurs, des gens gentils, rigolards... Pas de doute,
il existait un paradis terrestre !”
l’avènement des loisirs de masse 1/2 (*)

Quelques repères
chronologiques
Frise clubs
1935 - le club de l’ours blanc, paradis des « russes blancs »
Loin des lieux associatifs où s’élaborent les principes du tourisme social, un certain Dimitri Philipoff, dit « Dima » - fonde sur la côte d’Azur avec quelques amis russes blancs le club de l’Ours Blanc. On y fait du sport à peu de frais, les membres étant à peu près ruinés, mais surtout on y vit en caleçon de bain, le soir, on joue de la guitare, on monte des spectacles. Une façon de prolonger un mode de vie aristocratique et libéré, avec les moyens du tourisme populaire…
1948 – Les « olympiens », ancêtres des « gentils membres »
Création par Edith Filipacchi et le fameux « Dima » du club des Jeux olympiques (à cause des jeux qui se déroulent à Londres la même année). Un an plus tard, Dima ouvre un village de toile en été à Calvi. Agrémenté d’un bar et d’une piste de danse, il pratique pour la première fois le forfait « tout compris ». Des vedettes, tels Cocteau, son secrétaire Jean Morihien et jean Marais fréquentent le village…
-> Nota : je propose de faire commencer le papier par la visite de Blitz au village de Calvi…
1949. – Gérard Blitz entre en scène
Parmi les visiteurs enthousiastes du village de Calvi, un certain Gérard Blitz. Né en Belgique, il reçoit une éducation très sportive d’un père qui a connu Pierre de Coubertin, l’inventeur des Jeux olympiques. Surtout, ce « village » lui rappelle une expérience antérieure où il a dû s’occuper de la réinsertion d’anciens concentrationnaires dans un hôtel de Haute-Savoie. Il y retrouve la même qualité de relations humaines, symbolisée par le tutoiement et la vie au grand air qui fait fi du machisme et des classes sociales…
1950. – Le magazine Elle s’éprend des « villages magiques »
Edith Filipacchi s’associe à Morihien, et le couple Lazareff, qui viennent de lancer le magazine Elle avec le groupe Hachette, pour fonder les Villages magiques, qui fusionneront en 1956 avec le club méditerranée. Le magazine Elle fait une large publicité pour ces villages de 500 places au Tyrol et en Sicile, que fréquentent les stars du cinéma et de l’actualité.
1950-53 – Apparition du club méd.
En avril de a même année, Blitz et le skieur nautique Marcel Contal déposent les statuts de l’association club Méditerranée. Ils choisissent l’Equipe comme support pub. Le premier village est créé à Alcúdia sur l'île Palma de Majorque et propose pour 15 900 francs de l'époque (anciens francs) un séjour de quinze jours, voyage compris. Trois ans plus tard, les termes de Gentil membre (GM) et Gentil organisateur (GO) sont inventés. La cotisation pour devenir GM est fixée à 300 FF.
1954. – Trigano prend les rênes
Contraint par des difficultés financières et des dettes à l’égard de son fournisseur principal, un fabricant de tentes de campings, Gérard Blitz s’associe à son jeune P-DG, un certain Gilbert Trigano. Né en 1920 dans une famille juive traditionaliste, ancien membre du front uni de la jeunesse patriotique du PCF, Gilbert est littéralement fasciné par le club, une manière pour lui de faire du social sans passer par le dévouement militant au service d’une cause. Promouvant une certaine idée des vacances qui instaure une vraie convivialité, voire un rapport d’égalité, entre le personnel et le client, ce dernier rompant avec l’anonymat du camping ou du grand hôtel, Gilbert et Gérard inventent une formule – nouveau mode de vie du Français en vacances - à laquelle il ne dérogera plus…
1955. – Colliers bars, bungalows et gentils membres
Premier village à Tahiti. Le prix : 240 000 anciens francs payables en 18 mois sans intérêts. Le voyage durait un mois en bateau. L'avion ne s'était pas encore popularisé. Parallèlement, les cases polynésiennes remplacent les tentes dans les villages, notamment à Corfou, que dirige Didy, la fille de Gérard Blitz. Importé de Tahiti, ou Claudine, la femme de Gérard Blitz à vécu dans les années 40, le paréo fait son apparition. En 1956, le Club ouvre son premier village d'hiver à Leysin en Suisse. La même année, le CM imagine une autre innovation : le collier-bar. Les « GM » achètent des boules de couleur qui leur servent de monnaie pour payer leurs consommations au bar, pour plus de commodité, ces perles sont enfilées sur un collier que le membre porte autour du cou. L’imaginaire de l’abondance de la formule club est définitivement au point avec ses énormes petits-déjeuners, les déjeuners buffet à volonté, la multiplication des bungalows en dur, les loisirs sportifs et les animations de tout genre …
1961. Edmond de Rothschild entre dans la danse
Malgré un succès commercial grandissant et l’adoption en 1957 du statut de société anonyme, l’entreprise manque de capitaux. Des objectifs grandioses (un bateau de plongée à Tahiti entre autres) assèchent la trésorerie et l’entreprise frôle la faillite. L’entrée d’Edmond de Rothschild en 1961 comme actionnaire principal assainit la situation. Rothschild aura la sagesse de laisser le couple Blitz Trigano à la tête du club.
Années 70. L’âge d’or ?
Le club méditerranée, qui compte 250 000 adhérents en 1970 fusionne avec son principal concurrent, le centre européen du tourisme (CET) pour devenir le premier club de vacances français. Mais entre-temps, d’autres concurrents ont déjà fait leur apparition tels la section touring-Vacances du Touring club de France, les filiales Valtour en Italie, le club Aquarius, les Relais du soleil, le club vacances ou Vacances 2000. Sans oublier les Villages Vacances Familles créés en 1958 par la Fédération Française du Tourisme populaire. Composés à l’origine de logements familiaux indépendants équipés de cuisine, ils prennent réellement leur essor au cours de ces années en proposant des formules « club » comprenant la restauration et la prise en charge des enfants au travers d’activités sportives et de loisirs. L’hôtellerie s’est organisée en chaînes selon le modèle américain : Sofitel en 1962, PLM en 1966, Novotel en 1967, Méridien et Jacques Borel en 70-71. Ces chaînes proposent des formules de résidences hôtelières comparables à celles du club en installant leurs infrastructures à proximité de ses villages de Sardaigne, Sicile, Corfou ou de l’île Tunisienne de Jerba. Depuis 1954, date de l’installation à Jerba de quelques huttes par le club méditerranée, la zone touristique de l’île s’est ainsi étendue sur plus de 20 km entre Aghir au sud et Houmt-Souk vers le nord, la capacité hôtelière de l’île passant de 8 300 lits en 1975 à 39 000 lits disponibles en 2002 ! Parallèlement, de grands voyagistes, tour-opérateur ou agences de tourisme tentent de réagir en surfant sur l’essor irrésistible du tourisme de masse favorisé par la hausse sans précédent des salaires et de la durée des congés payés, qui passent à quatre semaines annuelles en 1969, tel le Britannique International Tour Charter (ITS) qui vend des voyages tout compris dès 1969. D’autres développent des formules calquées sur les prestations du club méd’, comme Eldorador (Jet Tours), Kappa (Cruise Air) ou la Fram (Fer-Route-Air-Mer). Dès 1970, le voyagiste français offre à ses clients des destinations en Grèce, Tunisie, Maroc Turquie, Bulgarie, Andalousie et Sicile.
1976
Le club méd. réagit en lançant la célèbre campagne Publicis déclinant une accroche constituée d'un seul verbe à l'infinitif, flanqué d'un point qui dotait le message de toute sa force : « dormir », où l’on voyait un hamac entre deux cocotiers dans un lagon de rêve ; « nager », un plongeur au milieu de poissons extraordinaires ; « aimer », deux transats côte à côte avec un garçon et une fille se tenant par la main ; etc.
1978
Les « bronzés », puis en 1979, les bronzés font du ski… "Y a du soleil et des nanas... on va s'en mettre jusque-là". La pub la plus connue du club Med n'est en fait qu'une parodie inventée par l'équipe du splendid. C’est après avoir fait eux-mêmes l’expérience de la vie au Club Méd. où ils avaient été engagés comme animateurs, que les membres du Splendid imaginent une pièce Amour, coquillages et crustacés. Cette satire se moque gentiment des comportements des Français moyens dans les clubs de vacances très en vogue au milieu des années 70. Le succès de la pièce éveille l’attention de Patrice Leconte tandis que Balasko, Chazel, Clavier, Lhermitte, Blanc, Lavanant, Jugnot et les autres adaptaient la pièce et reprenaient leurs rôles. Paru en 1978, le film, dont l’humour avait su capter l’air du temps, fut un gigantesque succès.
1986 : la concurrence s’exacerbe
Le tourisme résidentiel se développe au point qu’il entre dans la grande distribution. En 1986, Leclerc Voyage ouvre un point de vente pour commercialiser à des prix promotionnels et attractifs des forfaits tour-opérateurs proposant un hébergement et des services-club à la carte, les agences étant ensuite installées dans les galeries commerciales attenantes au magasin.
1991- 1992 : les années noires
La guerre du Golfe qui éclate en 1991 pèse lourdement sur les activités du groupe. Les années qui suivent sont une période de crise au cours de laquelle le Club doit faire face à une baisse de fréquentation importante. En 1992 survient le crash d’un Convair à Cap Skirring au Sénégal ayant fait 30 morts et 26 blessés. Selon l'enquête, l'équipage s'était trompé de site d'atterrissage et toujours selon les témoignages lors de l'audience, l'avion ne disposait pas de programme de maintenance, les sièges étaient défoncés, le pilote âgé était interdit de vol aux Etats-Unis. Le vol affrété auprès d'Air Sénégal par le Club Med était de fait sous-traité à cette compagnie gambienne et, pour le président de l'Association des Victimes de l’accident du Cap Skirring (AVAACS), Thierry Kamami qui avait porté plainte et créée l'association, " l'avion était dans un état déplorable".
1993, fin de la formule « tout compris »
Gilbert Trigano quitte le groupe et c'est son fils Serge qui lui succède. En 1997, ce dernier doit démissionner. Il est remplacé au poste de DG par Philippe Bourguignon, ancien directeur général du groupe Accor et d’Eurodisney. L'ambition de l’entreprise, qui a absorbé club Aquarius et achètera Jet Tour en 1999 et Gymnase club en 2001 est désormais de « transformer une société de villages de vacances en une société de services ». Signe symptomatique, en pleine crise de l’économie touristique s’ouvre en février 1996 à Paris le premier salon des vacances en France : Les stands n’exposeront plus des équipements ni du matériel, mais des services « à la carte » : circuits régionaux, croisières thématiques… Bref, c’est la fin de la formule « tout compris », guerre des tarifs oblige. En 1994, le club fondera sa publicité sur ce nouveau concept de « vacances à la carte » en introduisant dans le village « trois tridents » de Kusadasi en Turquie une formule de base auquel s’ajoutent des prestations payantes, comme des leçons de tennis ou un repas en restaurant, le sacro-saint buffet à volonté étant remplacé par une restauration snack ! Sa stratégie s'avère payante et en 2000, le chiffre d'affaires est en croissance de 28 % par rapport à l'année précédente et le résultat net de 51 %.
2001
Gilbert Trigano, l’inventeur du Club Méditerranée décède le 4 février 2001.
En 2002 c'est Henri Giscard d'Estaing, fils de l'ancien président de la République française Valéry Giscard d'Estaing qui devient PDG du Club Med.
2004-2005
Le groupe hôtelier français Accor entre dans le capital du Club Medi. Avec 28.9% des parts, il en devient l'actionnaire de référence. Lancement d'une nouvelle campagne de pub "Il y a tant de monde à découvrir". Des visages dissimulés au milieu de paysages filmés d'hélico.Le Club Med a annoncé un retour des profits à mi-exercice en juin 2005. Réalisées par Publicis, les publicités du Club se veulent des illustrations concrètes de cette évolution.
Quelques GOs célèbres qui ont débuté au club : Gérard Le Normand, Vincent Lagaf, Pascal Brunner, Elie Kakou, Alex Métayer…
Corfou, été 1954. Béatrice Gartenberg, alors jeune bachelière nancéenne de 19 ans, raconte : « Après un voyage en train puis en bateau de deux jours et deux nuits, j’arrive moribonde. Et alors le miracle à lieu. L’accueil, les fleurs, des gens gentils, souriants, rigolards, portant les valises de tous, la musique, tout le monde qui parlait à tout le monde, des tentes kaki au milieu des arbres, et encore des sourires, des regards, des bises, des farces… Je planais. Qui était qui ? Qui faisait quoi ? On était ensemble, on nageait ensemble, on dansait, on parlait, on mangeait tous ensemble, on faisait des spectacles ensemble. Pas de doute, il existait un paradis terrestre !… ».
Béatrice Gartenberg, qui fut « gentil membre », puis responsable du recrutement du Club méditerranée dans les années soixante a peut-être légèrement idéalisé, au cours du temps, ses souvenirs de jeunesse, concède le sociologue Alain Ehrenberg, qui a recueilli son témoignage (1). Il rend cependant parfaitement compte du choc qu’une poignée de français ressentirent lorsqu’ils découvrirent, au début des années cinquante, la formule du « club de vacances ». Une manière alors totalement inédite, à la fois ludique et décomplexée, de « consommer » ses congés payés. Tout au long des « Trente glorieuse », cette formule connaîtra un succès foudroyant au point de susciter, encore aujourd’hui, un nombre incalculable d’imitateurs.
Mais retournons à ce fameux été 1954. La guerre d’Indochine vient de s’achever. Le conflit algérien n’a pas encore commencé. La France pacifiée du président Coty et du gouvernement Pierre Mendès-France jouit d’un élan d’expansion économique sans précédent, qui a triplé le revenu des ménages depuis 1948. De deux semaines, les congés payés passeront à trois semaines en 1956. Indifférente au chômage, qui n’existe tout simplement pas, déjà dotée pour sa grande majorité de « pick-up », la jeunesse insouciante twiste sur « That’s all right Mama », un tube d’un gamin de 19 ans, un certain Elvis Presley. Cet été-là, la plupart des jeunes Français passent leurs vacances dans des Auberges de Jeunesse, alors première organisation de vacances en France. Encouragé par la Fédération Française de Camping, qui a ajouté en 1952 le mot « Caravaning » à son nom, le camping familial attire quant à lui un bon quart des quatre millions de touristes itinérants français – sur huit millions de vacanciers. Déjà des millions d’automobilistes s’engouffrent comme chaque année sur la route nationale 7 pour prendre d’assaut les « rivages du midi », comme le chante Charles Trenet en 1955. Les plus argentés d’entre eux iront à l’hôtel. Parmi les plus modestes, ceux que le camping rebute opteront pour d’austères « gîtes familiaux », comme ceux que propose l’association Villages Vacances Familles (VVF), créés par la Fédération Française du Tourisme populaire et financée par la Caisse des dépôts et Consignations, les caisses d’allocation familiales et le ministère du tourisme.
Reste qu’en cette année 1954, à l’image de Béatrice Gartenberg, une petite minorité de vacanciers ont décidé de voyager autrement. Ils sont encore ultra-minoritaires : quelques centaines tout au plus. Cherchant à fuir la foule grandissante des « juilletistes » et des « aoûtiens », ils sont jeunes, plutôt sportifs, souvent sans attache familiale ou en rupture de banc avec leur famille, un peu « bohême » comme on dit à l’époque. Telle Pat Mortaigne, future chargée de relations extérieures du Club méditerranée, qui séjourna elle aussi à la même époque à Corfou avec le théâtre national de Belgique : « J’avais vingt ans et je n’avais jamais voyagé. C’était une révélation foudroyante de vivre avec mon corps au soleil », confie-t-elle au sociologue Alain Ehrenberg. Ils sont ainsi une poignée d’atypiques à savoir que quelques voyagistes se sont tournés depuis peu vers tous ceux que rebute le tourisme franco-français, alors en plein essor. Organisés en association, ces organismes proposent des formules de séjour à l’étranger dans des « clubs » où, paraît-il, on vit à moitié nu dans une atmosphère « libérée », légèrement subversive...
Le père de cette façon plutôt scandaleuse pour l’époque de concevoir ses vacances est un certain Dimitri Philipoff, dit « Dima », un prince russe, champion de water-polo, dont les parents ont fui la Révolution bolchevique. Assez loin dans l’esprit du « tourisme social », qui préconise une activité sportive pratiquée de façon rigoriste, ce « dandy fabuleux », comme dira plus tard Gilbert Trigano, a fondé en 1935 sur la côte d’Azur avec quelques amis russes blancs le « club de l’Ours Blanc ». On y pratique certes des activités physiques à peu de frais, les membres étant à peu près ruinés, mais surtout on y vit toute la journée en caleçon de bain, et le soir, on joue de la guitare, on monte des spectacles… Bref, « on fait la fête ». Une façon de prolonger un mode de vie aristocratique et libéré, avec les moyens du bord.
Treize ans plus tard, en 1948, on retrouve ce fameux « Dima » aux côtés d’Edith Filipacchi, la mère de Daniel, le futur patron de « Salut les copains » et « Paris Match ». Dima et Edith ont créé le « club des Jeux olympiques » - ces derniers se déroulant à Londres la même année. En 1949, Dima ouvre sous cette bannière le premier « club de vacances » hors de l’hexagone - un village de toile en été à Calvi. Il accueille une centaine de clients en majorité français, parmi lesquels des vedettes comme Jean Cocteau et Jean Marais.
On y croise aussi un certain Gérard Blitz, dont la sœur s’occupe du bar. Né en Belgique, Gérard Blitz a reçu une éducation très sportive. Son père a connu Pierre de Coubertin, l’inventeur des Jeux olympiques. Gérard s’enthousiasme pour ce mode de vie ludique et sportif où, moyennant une formule « tout compris », on vit sous des tentes, entre la mer et le terrain de volley et la plage. Surtout, le village lui rappelle une expérience antérieure vécue dans l’immédiat après-guerre, où il a dû s’occuper de la réinsertion d’anciens concentrationnaires dans un hôtel de Haute-Savoie. Il y retrouve la même qualité de relations humaines, symbolisée par le tutoiement et la vie au grand air qui fait fi du machisme et des classes sociales.
Un an plus tard, en avril 1950, Gérard Blitz et le skieur nautique Marcel Contal déposent les statuts de l’association club Méditerranée. L’organisme est parrainé par le journal l’Equipe, qui lui offre un large espace de publicité. Le premier village est créé à Alcúdia sur l'île Palma de Majorque. Il propose pour 15 900 francs de l'époque (anciens francs) un séjour de quinze jours, voyage compris. Un autre visiteur est rentré enthousiasmé de sa visite à Calvi. Il s’agit de Paul Morihien, le secrétaire de Jean Cocteau. La même année, il s’associe avec Edith Filipacchi et le couple Lazareff, qui viennent de lancer le magazine Elle avec le groupe Hachette, pour fonder les Villages magiques, qui fusionneront en 1956 avec le club méditerranée. Le magazine « Elle » fera une large publicité pour ces villages de 500 places au Tyrol et en Sicile, que fréquentent les stars du cinéma et de l’actualité…
De 1950 à 1954, la recette miracle de la « formule club » est déjà presque entièrement inventée. Elle passe d’abord par le « D » de dépaysement absolu que procure le voyage à l’étranger. C’est précisément ce quatrième « D » qui manque aux « trois D » - Développement, Délassement, Divertissement – inventés par le sociologue Joffre Dumazedier pour définir le « tourisme social ». Ayant pour objectif de faire accéder le plus grand nombre à des pratiques auparavant réservées à une élite, il ne propose que des hébergements dans l’hexagone et s’adresse en priorité à l’ouvrier et l’employé.
« Le club, lui, rompt complètement avec ce cloisonnement social plus ou moins forcé, en instaurant un rapport d’égalité entre les membres du club, et, ce qui est encore plus révolutionnaire, entre le personnel et le client », analyse Serge Trigano, président du Club de 1993 à 1997 et chef de village dans les années 50. « On pouvait rencontrer des gens semblables à nous : ils pouvaient être d’un âge différent, d’une classe sociale différente. Tous avaient laissé à l’arrivée leur raison sociale pour essayer d’être ce qu’ils auraient aimé être si la vie avait été différente… », confirme Béatrice Gartenberg, poursuivant l’évocation de sa découverte du club de Corfou, ce fameux été 1954.
L’année 1954 est marquée par un autre événement qui va bouleverser la vie du club méditerranée, lui insufflant un regain de dynamisme. Contraint par des difficultés financières et des dettes à l’égard de son fournisseur principal, un fabricant de tentes de campings, Gérard Blitz s’associe à son jeune P-DG, un certain Gilbert Trigano. Né en 1920 dans une famille juive traditionaliste, ancien membre du front uni de la jeunesse patriotique du PCF, Gilbert est littéralement fasciné par le club : une manière pour lui de faire du social sans passer par le dévouement militant au service d’une cause. Peaufinant la formule qui fera le succès du club pendant cinquante ans, il inventera les expressions conviviales et égalitaires de « Gentil membre » (GM) et « Gentil organisateur » (GO). Dès 1955, s’inspirant des conseils de Corinne Blitz, la femme de Gérard Blitz, qui vécut en Tahiti dans les années 1940, il remplace les tentes dans les villages par les cases polynésiennes. Il invente la même année le ‘collier bar’ où sont enfilées des boules de couleurs qui servent à payer les consommations au bar, les « Gentils membres » vivant toute la journée en caleçon et paréo n’ayant pas de poche où glisser leur monnaie…
En 1956, le Club ouvre son premier village d'hiver à Leysin en Suisse. L’imaginaire de l’abondance de la formule club est alors définitivement au point avec ses énormes petits-déjeuners et ses déjeuners buffet à volonté, la multiplication des loisirs sportifs « à la demande » et les animations de tout genre. Reste que malgré un succès commercial grandissant et l’adoption en 1957 du statut de société anonyme, l’entreprise manque de capitaux. Des objectifs grandioses (comme l’achat d’un bateau de plongée à Tahiti) assèchent la trésorerie et l’entreprise frôle la faillite. L’entrée d’Edmond de Rothschild en 1961 comme actionnaire principal assainit la situation.
Les années 1970 signent à la fois l’âge d’or et marquent les limites de la « formule club », que maints opérateurs se mettent à imiter avec plus ou moins de bonheur. Surfant sur son irrésistible popularisation, le Club, qui compte à cette date 250 000 adhérent, fusionne avec son principal concurrent, le centre européen du tourisme (CET) pour devenir le premier club de vacances français. Mais entre-temps d’autres compétiteurs ont fait leur apparition : la section touring-Vacances du Touring club de France, les filiales Valtour en Italie, le club Aquarius, les Relais du soleil, le club vacances, Vacances 2000... Mêmes les Villages Vacances Familles s’y mettent en proposant des formules « tout compris » comprenant la restauration et la prise en charge des enfants au travers d’activités sportives et de loisirs.
L’hôtellerie n’est pas en reste. Depuis le début des années soixante, elle s’est organisée en chaînes selon le modèle américain : Sofitel en 1962, PLM en 1966, Novotel en 1967, Méridien et Jacques Borel en 70-71. Ces chaînes multiplient les formules « hôtel-club », comparables à celles proposées par les villages du club. Pis ! Elles installent leurs infrastructures à quelques mètres des villages de Sardaigne, Sicile, Grèce, Turquie, Maroc ou Tunisie, inaugurant la bétonisation de sites autrefois paradisiaques devenus des destinations privilégiées du tourisme de masse. Un exemple parmi des dizaines : depuis 1954, date de l’installation à l’île Tunisienne de Jerba de quelques huttes par le club méditerranée, la zone touristique de l’île s’est ainsi étendue sur plus de 20 Km entre Aghir au sud et Houmt-Souk vers le nord, la capacité hôtelière de l’île passant de 8 300 lits en 1975… À 39 000 lits disponibles en 2002 !
À la fin des années soixante-dix, l’image du club de vacance apparaît sérieusement écornée. En 1978 sort le film les « bronzés », suivie, l’année suivante, des « bronzés font du ski ». Ces deux satires se moquent ouvertement des comportements de Français moyens, complètement indifférents à l’égard de la misère qui peut régner de l’autre côté du mur de leur village de vacance où la course effrénée à la consommation sous toutes ses formes règne en maître. Mais plus que les satires et les critiques, c’est la guerre du golfe qui mettra, en 1991, un coup d’arrêt provisoire à l’expansion cette façon de voyager « dans sa bulle », que maints observateurs considèrent désormais comme le symbole d’une certaine arrogance occidentale. Un comble, quand on pense qu’il s’adressait à l’origine aux voyageurs désargentés ! Aux prises avec de sérieuses difficultés financières, Gilbert Trigano quittera le Club méditerranée en 1993, puis son fils Serge en 1997. Dirigé un temps par Philippe Bourguignon, ancien directeur général du groupe Accor et d’Eurodisney, puis à partir de 2002, par Henri Giscard d'Estaing, le club cherchera ses marques, abandonnant en route sa sacro-sainte formule « tout compris », qui fit longtemps son succès. C’est en développant ses infrastructures en Asie du Sud Est, et multipliant les infrastructures « haut de gamme », aux Etats-Unis notamment, que le club méditerranée renouera avec les bénéfices en 2005. L’avenir de la « formule club » a de beaux jours devant elle. Elle ne s’adresse cependant plus du tout à la même clientèle qu’auparavant…
Quelques
citations
pénétrantes,
tragiques
et/ou cocasses.
Citations :
« Je me réveillai vers midi (…). Dans le miroir de la
salle de bains, je me considérai avec dégoût ; je
ressemblais exactement à ce que j’étais : un
fonctionnaire quadragénaire qui tentait de se déguiser
en jeune pour la durée de ses vacances », Michel
Houllebecq, Plateforme, éd. Flammarion, 2001.
« Comme la Fnac, comme le Club Med, Nouvelles
Frontières – née avec la civilisation des loisirs –
pouvait symboliser une nouvelle face du capitalisme
moderne. En l’an 2000, pour la Première fois,
l’industrie touristique était devenue, en chiffres
d’affaires, la première activité éconnomique mondiale
», id.
«Un entrepreneur innovant et dynamique qui a fortement contribué à la démocratisation des loisirs. » C’est en ces termes que le Premier ministre, Lionel Jospin, a rendu hommage à Gilbert Trigano, l’inventeur du Club Méditerranée, décédé le 4 février 2001.
« Au club, on ne s’inquiète jamais. Les canons peuvent tonner en Grèce, en Turquie, en Israël, les gentils membres ne les entendent pas, la « sono » et l’animation couvrent tout ». Le Nouvel Observateur, 15 juin 1975
« Le club Méditerranée devrait aujourd’hui incarner le temps libre plutôt que les vacances. (…) Vous pouvez parfaitement introduire l’esprit du Club à Paris dans un fitness, un mini-club ou un café qui serait un lieu convivial en milieu urbain. (…) Le club devra à l’avenir gérer un esprit incarné par une marque »., Philippe Bourguignon, 1998
« Quand on était chef de village, il fallait tout faire (…). Et puis cette qualité des rapports, cette absence de barrière avec les clients : on travaillait pour eux sans être leurs larbins », Jean-Pierre Bercert, ancien GO puis directeur du développement au sein du Club Méditerranée.
« L’été 1954, après un voyage en train. J’arrive moribonde à Corfou. Et alors (…) le miracle a lieu : il existait un paradis terrestre. L’accueil , les fleurs, des gens gentils, souriants , rigolards (…) des bises, des farces (…) Au bout de quelques jours, je réalise qu’il y avait des GO et des GM. Pour moi, ça n’avait pas de sens à priori. D’ailleurs, je planais… » Béatrice Gratenberg, ex-gentil membre, puis responsable du recrutement du Club dans les années 60.
« J’avais vingt ans et je n’avais quasiment jamais voyagé . C’était une révélation foudroyante de vivre avec mon corps au soleil, de pouvoir être créative, de rencontrer des gens qui avaient des idées, du talent, une sensibilité », l’actrice Pat Mortaigne, qui séjourna au club en 1960 avec le théâtre national de Belgique.
« C’est à cette époque que j’ai marché sur l’eau pour la première fois de ma vie. Je n’ai jamais été aussi saoul de puissance, d’ivresse, d’orgueil, de volupté, de bonheur. J’ai eu l’impression d’être quelqu’un de tout à fait extraordinaire. ça a été un des moments forts de ma vie. Et, si c’était vrai pour moi, c’était vrai pour les autres », Gilbert Trigano, cité par Alain Ehrenberg, in Autrement, Les vacances, jan. 1990.
C’était il y a plusieurs décennies. Béatrice Gartenberg, alors jeune bachelière à Nancy, raconte : « Après un voyage de deux jours et deux nuits, j’arrive moribonde. Et alors le miracle à lieu : il existait un paradis terrestre. Les sourires, les fleurs, les guitares. Des tentes kaki du surplus de la guerre. Des vaches à eau qui pendent des arbres. La mer à deux pas. Je planais… » Ou diable la jeune fille avait-elle bien pu échouer ? Dans un camp scout de l’immédiat après-guerre ? Dans une communauté hippie des années soixante ? Ni l’un ni l’autre. Béatrice Gartenberg, qui sera bientôt « gentille organisatrice », puis responsable du recrutement, relate tout simplement sa découverte au début des années 50 d’un village du club méditerranée (1).
Le tout premier d’entre eux fut créé en juillet 1950, à Alcúdia, sur l'île Palma de Majorque. Pour la somme modique de 15 900 francs de l'époque (159 NF), prix du voyage en avion inclus, on y séjournait quinze jours pleins. Il est vrai que l’hébergement était spartiate : « On dormait sous tente, sur des châlits hautement inconfortables, et l’on vivait toute la journée en caleçon de bain entre la mer, où l’on organisait des tournois de water-polo, et la plage, où l’on faisait des parties endiablées de volley », se souvient Serge Trigano, président du Club Méditerranée de 1993 à 1997 et chef de village dans les années 50.
Le créateur du village de Palma de Majorque s’appelle Gérard Blitz. Avec le skieur nautique Marcel Contal, il a déposé en avril 1950 les statuts de l’association Club Méditerranée, trois mois avant la création d’Alcudia. Au début, la clientèle est surtout sportive et essentiellement masculine. Né en Belgique, Gérard Blitz, qui clive du diamant à Cannes est lui-même un ancien champion de water-polo. Son père a connu Pierre de Coubertin, l’inventeur des Jeux olympiques. Féru de sport sous toutes ses formes, le fils a tenu à ce que son association soit parrainée par le journal l’Equipe, qui lui offre un large espace de publicité.
Gérard Blitz a eu l’idée de créer le village d’Alcudia en visitant, au cours de l’été 1949, un autre village de toile qui venait d’ouvrir à Calvi, sa sœur Didy ayant été embauchée pour s’occuper du bar. Ce village avait été lancé par le « club des jeux olympiques », une association sportive mise sur pied un an plus tôt par trois fortes personnalités : Dimitri Philipoff, un Russe blanc adepte de la fête et du water-polo surnommé « Dima » par ses compagnons, Paul Morihien, ex-champion de natation devenu libraire au Palais Royal, puis secrétaire particulier de Jean Cocteau, et Edith Filipacchi, la mère de Daniel Filipacchi, le futur patron de « Salut les copains » et de « Paris Match ».
Gérard Blitz s’était enthousiasmé pour l’atmosphère bon enfant qui régnait dans le camp de toiles de Calvi, où se côtoyaient les fils et filles de bonnes familles, des jeunes plus modestes marqués par le STO et des célébrités amies de Paul Morihien, comme Jean Cocteau et Jean Marais. Sportive, l’ambiance était aussi festive. Dès la fin de la journée ponctuée de concours de nage et de jeux de ballons, des accompagnateurs animaient des soirées en jouant de la guitare ou en empruntant leurs jeux aux scouts et aux mouvements de jeunesse : soirées à sketches ou déguisées, radio crochets, concours de danse etc. La vie au village de Calvi rappelait surtout à Gérard Blitz une expérience antérieure vécue dans l’immédiat après-guerre, où il avait dû s’occuper de la réinsertion d’anciens concentrationnaires dans un hôtel de Haute-Savoie. Selon les témoignages de ses proches, il y retrouvait la même qualité de relations humaines, directe et chaleureuse, symbolisée par le tutoiement et la vie au grand air qui faisait fi du machisme, des conventions sociales et des rapports de classes.
Les bonnes idées allant toujours par paire, Paul Morihien quittait la même année le club des jeux olympiques et décidait de fonder son propre Club de vacances. S’associant avec Edith Filipacchi et le couple Lazareff, qui venaient de lancer le magazine « Elle » avec le groupe Hachette, il lança en 1950 les Villages magiques. « Elle » fera une large publicité pour ces villages de 500 places au Tyrol et en Sicile qui recrutèrent, jusqu’à leur fusion en 1956 avec le Club Méditerranée, une clientèle essentiellement féminine.
Féminine aux Villages magiques, masculine et sportive au Club Méditerranée, la clientèle des clubs d’été d’Alcudia et de Sicile a surtout la vertu d’être complétement atypique. Jeune et célibataire, souvent désargentée, sans attache familiale ou en rupture de banc avec la famille, un peu « bohême » comme on disait à l’époque, elle fuit la foule grandissante des « juilletistes » et des « aoûtiens » qui envahit chaque année, et en famille, le littoral hexagonal. En 1952, ils sont déjà quatre millions à prendre tous les étés la route, sur huit millions de vacanciers français ! Un chiffre colossal à comparer aux quelques centaines de jeunes gens qui cherchent au même moment à voyager hors de l’hexagone. Telle Pat Mortaigne, future chargée de relations extérieures du Club méditerranée, qui séjourna dans les années 1950 dans le village grec de Corfou avec le théâtre national de Belgique : « J’avais vingt ans et je n’avais jamais voyagé, confie-t-elle au sociologue Alain Ehrenberg. C’était une révélation foudroyante de vivre avec mon corps au soleil. »
C’est précisément ce sentiment de dépaysement total propice à toutes les libérations qui manque dans les années 1950 au bon vieux « tourisme social », symbolisé par les Auberges de Jeunesse, alors première organisation de vacances hexagonale. Ne proposant des hébergements qu’en France et s’inscrivant dans une longue tradition d’éducation populaire et laïque, ce tourisme-là prône moins les plaisirs de la fête que les joies du stade. « La formule inaugurée par les Villages magiques ou le Club Méditerranée, rompait complètement avec cet esprit un peu rigoriste, héritier du Front Populaire », analyse Serge Trigano. « Au Club, ajoute-t-il, le côté festif instaurait un rapport d’égalité non seulement entre ses membres, mais aussi entre le personnel et le client ». Cette vision égalitaire qui faisait voler en éclats les barrières sociales est confirmée Béatrice Gartenberg. Poursuivant l’évocation de sa découverte du village de toile de Corfou, créée en 1954, elle confie : « On pouvait rencontrer des gens semblables à nous : ils pouvaient être d’un âge différent, d’une classe sociale différente. Tous avaient laissé à l’arrivée leur raison sociale pour essayer d’être ce qu’ils auraient aimé être si la vie avait été différente… ».
L’esprit de la fête, aussi novateur soit-il, ne suffit pas à garantir la réussite d’une entreprise de loisirs. Il faut aussi de solides moyens financiers. Or, malgré un succès commercial grandissant, le Club Méditerranée, faiblement doté en capital, souffre d’énormes problèmes de trésorerie. Il est de surcroît mal géré, les villages se multipliant, faisant exploser les frais d’infrastructure et le financement de sports peu répandus, donc chers : ski nautique, tennis, chasse sous-marine…
Submergé de dettes à l’égard de son fournisseur principal, un fabricant de tentes de campings, Gérard Blitz est contraint de s’associer en 1954 à son jeune P-DG, un certain Gilbert Trigano. Né en 1920 dans une famille juive traditionaliste, ancien membre du front uni de la jeunesse patriotique du Parti Communiste Français, un temps rédacteur à l’Humanité et l’Avant Garde, ce dernier est littéralement fasciné par le club : « c’était une nouvelle manière pour lui de faire du social sans passer par le dévouement militant au service d’une cause politique », témoigne son fils Serge.
Loin de plomber son avenir, l’improbable association Blitz-Trigano donnera au Club Méditerranée un regain de dynamisme. Peaufinant la formule qui fera son succès pendant cinquante ans, Gilbert Trigano inventera les expressions conviviales et égalitaires de « Gentil membre » (GM) et de « Gentil organisateur » (GO). Dès 1955, s’inspirant des conseils de Corinne Blitz, la femme de Gérard, qui vécut en Tahiti dans les années 1940, il n’hésitera pas à léser son commerce de tentes en remplaçant les villages de toiles du Club par les cases polynésiennes en « dur ». La même année, il adoptera la fameuse formule du ‘collier bar’ où sont enfilées des boules de couleurs qui servent à payer les consommations au bar, les « Gentils membres » vivant toute la journée en caleçon et paréo n’ayant pas de poche où glisser leur monnaie. Une façon de symboliser le rêve d’un monde d’abondance qui ne soit pas altéré par l’argent.
En 1956, le Club ouvre son premier village d'hiver à Leysin en Suisse. Six ans seulement séparent Leysin du premier village d’Alcudia. Et comme on est déjà loin des tentes et des vaches à eau ! L’imaginaire de l’abondance et de la consommation sans entrave est déjà solidement installé, avec ses énormes petits-déjeuners et ses déjeuners buffet à volonté, la multiplication des loisirs sportifs « à la demande » et les animations en tout genre. Ces services de plus en plus onéreux, réclamés par des clients de plus en plus exigeants, obèrent les finances du Club. Malgré l’adoption en 1957 du statut de société anonyme, l’entreprise manque de capitaux. Des objectifs grandioses (comme l’achat d’un bateau de plongée à Tahiti ou la création d’une école de GO à Pompadour) assèchent la trésorerie et l’entreprise frôle la faillite. L’entrée d’Edmond de Rothschild en 1961 comme actionnaire principal assainit définitivement la situation, assurant au club un avenir de prestataire de vacances « clé en main » pour la nouvelle génération des « baby boomers ».
Les années 1970 signent à la fois l’âge d’or et marquent les limites de la « formule club ». Surfant sur son irrésistible popularisation, le Club, qui compte à cette date 250 000 adhérent, fusionne avec son principal concurrent, le centre européen du tourisme (CET) pour devenir le premier club de vacances français. Mais entre-temps d’autres compétiteurs ont fait leur apparition : la section touring-Vacances du Touring club de France, les filiales Valtour en Italie, le club Aquarius, les Relais du soleil, le club vacances, Vacances 2000... L’ère est désormais à la rationalisation : « Aux prises avec une véritable explosion du marché, le Club est alors contraint à serrer les prix, tout en maintenant son niveau de prestation, l’exigence en matière de confort et de service croissant au fur et à mesure que la France pénètre dans l’ère de a consommation de masse », explique le sociologue Alain Ehrenberg.
L’hôtellerie n’est pas en reste. Depuis le début des années soixante, elle s’est organisée en chaînes selon le modèle américain : Sofitel en 1962, PLM en 1966, Novotel en 1967, Méridien et Jacques Borel en 70-71. Ces chaînes multiplient les formules « hôtel-club », comparables à celles proposées par les villages du club Méditerranée. Pis ! Elles installent leurs infrastructures à quelques mètres des villages de Sardaigne, Sicile, Grèce, Turquie, Maroc ou Tunisie, inaugurant la bétonisation de sites autrefois paradisiaques devenus des destinations privilégiées du tourisme de masse. Un exemple parmi des dizaines : depuis 1954, date de l’installation à l’île Tunisienne de Jerba de quelques huttes par le club méditerranée, la zone touristique de l’île s’est ainsi étendue sur plus de 20 Km entre Aghir au sud et Houmt-Souk vers le nord, la capacité hôtelière de l’île passant de 8 300 lits en 1975… À 39 000 lits disponibles en 2002 !
À la fin des années soixante-dix, l’image du club de vacance apparaît sérieusement écornée. En 1978 sort le film les « bronzés », suivie, l’année suivante, des « bronzés font du ski ». Ces deux satires se moquent ouvertement des comportements de Français moyens, complètement indifférents à l’égard de la misère qui peut régner de l’autre côté du mur de leur village de vacance où la course effrénée à la consommation sous toutes ses formes règne en maître. Mais plus que les satires et les critiques, c’est la guerre du golfe qui mettra, en 1991, un coup d’arrêt provisoire à l’expansion cette façon de voyager « dans sa bulle », que maints observateurs considèrent désormais comme le symbole d’une certaine arrogance occidentale. Un comble, quand on pense qu’il s’adressait à l’origine aux voyageurs désargentés ! Aux prises avec de sérieuses difficultés financières, Gilbert Trigano quittera le Club méditerranée en 1993, puis son fils Serge en 1997. Dirigé un temps par Philippe Bourguignon, ancien directeur général du groupe Accor et d’Eurodisney, puis à partir de 2002, par Henri Giscard d'Estaing, le club cherchera alors ses marques, abandonnant en route sa sacro-sainte formule « tout compris », qui fit longtemps son succès. C’est en développant de nouveaux villages en Asie du Sud Est, et multipliant les infrastructures « haut de gamme », aux Etats-Unis notamment, que le club méditerranée renouera avec les bénéfices en 2005. L’avenir de la « formule club » a de beaux jours devant elle. Elle ne s’adresse cependant plus du tout à la même clientèle qu’auparavant…
(1) Alain Ehrenberg, in Autrement, Les vacances, jan. 1990
Pages web à consulter avec profit :http://www.souvenirs-dun-gm.net/
… Le type, un fidéle, un certain « Philou », a publié
en ligne un tas de photos intéressantes, qui lui
appartiennent pour la plupart, (clique sur « villages
du temps jadis » et « portraits de GM et GOs ! ») que
l’on pourrait facilement emprunter…
cf.
http://www.souvenirs-dun-gm.net/villagesautrefois.html
dont
http://www.souvenirs-dun-gm.net/villages/caprera.php
Voir aussi d’autres sites de GO et GM (photos de
Corfou notamment) listés sur :
http://www.souvenirs-dun-gm.net/villages/liens.php
Pour illustrer la nouvelle politique de Bourguignon
(cf citation dans précédent doc), qui veut transformer
le club de vacances en club de services à la carte, un
peu select, très business, on peut aussi parler de «
disneylandisation » du club : Juin 2000. Inauguration
de Club Med World a Paris. CF.
Bibliographie
indicative
faits et chiffres
les tarifs club méd d’aujourd’hui :
14 jours Du 28 juin au 12 juillet
Village de KOS, sur la mer Égée
Pour une personne : 4120 euros
Le forfait comprend
La chambre
Le sport : Voile, Club Med Fitness, Ski nautique et
Wakeboard (Académies de ski n. et des champions),
Tennis, Basket-ball, Beach-volley, Cardio-training,
Football, Musculation, Volley-ball, Water-polo
La détente
Animation Club Med, Pétanque, Plage / Piscine, Tennis
de table._> En savoir plus
La table et le bar : le petit déjeuner, le déjeuner et
le dîner. Et le Bar & Snacking à volonté toute Le
transport Paris/Kos, celui-ci inclut votre prise en
charge à la gare ou l'aéroport, ainsi que les
transports aller et retour ainsi que les transferts
jusqu'au Village.
Sur les années 60 :
La notoriété devient telle qu’à l’occasion de
l'ouverture du village d'Al Hoceima en 1963 (première
installation marocaine du club méditerranée) l'
aéroport international d'' Al Hoceima qui n'est qu'a
quelques kilomètres est tout spécialement construit
pour le club 1 an apres son ouverture sur décision du
roi Hassan II. Aujourd'hui encore, les jets de la
Royal Air Maroc transportant les GMs….
Sur l’évolution urbaine des villages, confinant au fil
du temps au gigantisme :
Ex. de l’évolution du club de Corfou : Le site
découvert par Gérard Blitz en 1952 était d' une beauté
exceptionnelle avec des arbres et des cyprès bordant
la route d'accès à la plage. D'abord village de
quelques dizaines de tentes, comme Alcuida aux
Baléares et Baratti en Italie pendant deux ans. Puis
en 1954, les tentes sont remplacées par les fameuses
cases polynésiennes.
Puis au cours du temps, construction d’un
amphithéatre, d’une infrastructure pour le ski
nautique, d’une agora, d’un terrain de foot, de deux
restaurants à thème, de 15 cours de tennis, une salle
de fitness, une salle de cardio training, un night
club aux soirées techno très prisées dans les années
90, le « village » atteignant à la fin 700 cases,
avant de fermer en 2003…