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Le tour du monde en 85 jours


     l’irrésistible ascension du transport par boîte 2/2 (*)         


 
 

Quelques

citations

pénétrantes,

tragiques

et/ou cocasses.


Situé à Shangai, le plus grand centre commercial d’Asie couvre une super-ficie de 330 000 m2 : « Ce vaste complexe d'achat, rapporte le Quotidien du peuple lors de son inaugu-ration, embellit par son architecture riche de dynamisme et de modernité le beau paysage cou-vert de gratte-ciel de la zone financière et commerciale de la ville. »


« Pour moi, la distri-bution, c’est la socia-lisation du com-merce, la suppres-sion de l’acte spécu-latif. Le commerce doit disparaître au profit d’un service rémunéré et contrôlé par l’Etat, grâce à un syndicat de consom-mateurs. Il n’y aura pas de socialisme sans l’avènement de la distribution. C’est sur ce terrain-là que nous pouvons nous rapprocher des pays de l’Est. La distribu-tion, en fin de compte, com-mandera la produc-tion. Elle soumettra celle-ci aux besoins et aux goûts du public. La distribu-tion, pour moi, c’est la souveraineté du consommateur, enfin possible pour la première fois. », Edouard Leclerc, interview du Nouvel Observateur, le 2 février 1966.


« J’ai été mal compris si l’on a cru que je cherchais à faire du laid. J’en fais peut-être quel-quefois, mais ce n’est pas mon inten-tion. Je cherche seulement à faire ‘pauvre’, à ne pas faire riche dans l’installation » Marcel Fournier, fondateur de Carrefour, cité par Hervé Paturle in Marcel Fournier, L ‘Hyperman, Martinière.

Les gigantesques portiques de chargement et déchargement des conteneurs se sont enfin immobilisés dans l’air frais du soir. Vingt mètres plus bas, la cinquantaine de dockers qui a aidé aux manœuvres s’égaye sur le quai. La  coupée reliant le bâtiment à la terre ferme est retirée. Larguant ses amarres toutes sirènes hurlantes, le navire s’éloigne lentement du quai du port italien de La Spezia, hâlé par deux minuscules remorqueurs. Bienvenue sur le Matisse (cf.photo 000045.JPG), l’un des porte-conteneurs de la CMA-CGM spécialement affrétés pour faire le tour du monde. Un vrai jeu de legos ! (cf. 000045.JPG) Imaginez un empilement de près de deux mille boîtes en acier (cf. CONTAI~1.JPG) répartis sur onze niveaux qui côtoierait un immeuble (appelé « château »). Haut de cinq étages (les « ponts »), celui-ci renferme les locaux techniques, les cabines climatisées, les salons réservés aux passagers, le mess des officiers où se prennent tous les repas (cf. FORTST~1.JPG), la laverie, la salle de gymnastique, les ponts supérieurs ouverts à tous vents et même une piscine !

La mission exacte du Matisse ? « Transporter, charger et décharger au long de 23 escales, plus de 11 000 conteneurs », répond  Jean-Michel Serrat, le commandant. Soit l’équivalent de 150 000 tonnes de marchandises charriées tout autour du globe par cette immense bête de somme ! Quasiment flambant neuf, le Matisse est sorti des chantiers navals taiwanais de Keelung en juin 2001. Oeuvre du constructeur China Shipbuilding Corporation, il a une capacité de 2200 evp - c’est-à-dire qu’il est capable de transporter l’équivalent de 2200 containers de vingt pieds de long (environ six mètres). A 14 tonnes par container, il supporte donc une charge maximale (dite charge « utile ») de 31 000 tonnes de marchandises. Il dispose d’équipements ultramodernes, dont 447 prises frigorifiques de 440 v permettant de  transporter plus de 6200 tonnes de nourriture placée sous température constante : mouton australien congelé à moins 20 degrés ou cheddar anglais maintenu à 2 degrés, par exemple. Deux produits dont les saoudiens sont friands. Les boîtes en acier transportées par le Matisse contiennent par ailleurs des centaines de produits différents : vin français ou australien, machines outils allemandes, whisky anglais, nickel de Nouméa, bière hollandaise, papier danois, kiwi et mouton néo-zélandais… Ou effets personnels des expatriés européens s’installant aux Etats-Unis ou en Australie (voir notre carte).

Pour propulser à 21 nœuds cette montagne de boîtes alignées au cordeau, le Matisse possède un moteur diesel de conception allemande (Man) fabriqué à Hyundai, en Corée du sud. Un monstre d’une hauteur de 4 étages. Si grand que l’on peut entrer facilement dans son cylindre et s’asseoir sur un piston ! Le Matisse est pourtant loin d’être le plus grand porte-conteneurs de la CMA-CGM. Il fait même figure de nain à côté des Berlioz, Bizet, Debussy et Ravel, véritables mammouths de 6600 evp sortis des chantiers navals de Hyundai, les premiers au monde. Pour 2005, la CMA-CGM prévoit même la sortie de deux titans de 8200 evp destinés au commerce asiatique : quatre fois plus gros que le Matisse !

Une vingtaine de marins dirigés par un commandant suffisent à piloter et entretenir le Matisse. Le commandant est secondé par un officier mécanicien, trois officiers de navigation (dits officiers de pont) et trois ingénieurs auxquels s’ajoute une équipe de douze hommes, de nationalité roumaine : un cuisinier et un maître d’hôtel, un chef d’équipage (appelé « bosco »), un maître mécanicien, un électricien et sept marins (dont trois timoniers). Tous travaillent selon deux régimes distincts. Le pilotage est assuré en continu par un officier de quart et un marin (appelé « veilleur ») relayés tous les quatre heures, cependant que le reste de l’équipe travaille en journée normale.

Soucieuses de rentabilité les compagnies s'efforcent de réduire sans cesse la durée des escales. Celles du Matisse n’échappent pas à cette logique. Elles ne durent pas plus d’une journée, parfois quelques heures à peines ! Compte tenu de la vitesse et l’importance des chargements et déchargements (entre 200 et 1200 mouvements par escale) et des exigences de sécurité sur le bâtiment après le 11 septembre, l’équipage n’a quasiment pas le temps de descendre sur le port. En plus de l’équipage voyagent parfois quelques éleves officiers et un ou deux « civils » tentés par le tour du monde. La CMA-CGM a en effet amenagé des cabines confortables pour des personnes qui aiment le silence, les longs parcours maritimes propices à la réflexion ou au travail solitaire au long de la traversée de cinq mers et d’un océan. La demande est forte : la Compagnie transporte ainsi 600 à 800 passagers par an.

Battant pavillon français, Le Matisse met 85 jours pour parcourir les  220 000 miles nautiques qui le conduiront tout autour de la terre jusqu’à La Spezia, son port d’attache en Italie. La rotation étant continue, le port de La Spezia ne constitue qu’une escale comme une autre pour le porte-conteneurs. Il y chargera et déchargera comme à l’ordinaire ses containers. Simplement, c’est là qu’il changera d’équipage et effectuera d’éventuelles réparations, avant de reprendre la route pour son perpétuel tour du monde...

Le tour du monde en 85 jours

Le tour du monde du Matisse


Nota. Le bâteau est chargé en permanence de + ou - 2000 evp…



Samedi 13 novembre 04 : La Spezia, Italie :

Le bâteau est encore chargé de marchandises néo zélandaises et d’Australie (vin, mouton, laines, pomme, kiwis, grains etc.), de Nickel ainsi que de marchandises provenant d’Arabie Saoudite et de Singapour (voir étapes suivantes).

Changement de commandant et d’équipages. Le nouvel équipage se prépare jusqu’à la traversée de l’Atlantique à un rythme d’enfer : cinq ports visités en seulement sept jours !


Jeudi 18 nov 04 : Tilbury, GB

Chargement : Effets personnels de gens qui s’installent en Australie ; Whisky anglais.

Déchargement : vin, beurre et fromage (cheddar) australiens, viande de mouton néo-zélandaise contenus dans des conteneurs frigorifiques (reefers), produits agricoles et manufacturés (télés, ordinateurs et portables) du sud est Asiatique chargés à Singapour.



Samedi 20 nov 04 Hambourg, Allemagne

Chargement : produits chimiques, machines outils allemandes

Déchargement : vin australien, pommes et kiwis néo-zélandais dans des reefers, caoutchouc de Malaisie, café du Vietnam, yachts de luxe (Singapour) et produits manufacturés (télés, ordinateurs et portables) du sud est Asiatique chargés à Singapour.



Lundi 22 nov 04 : Rotterdam, Hollande

Chargement : Machines outils allemandes, papier provenant des pays nordiques, bière hollandaise et belge.

Déchargement : vin et laine australiens et néo-zélandais, riz de Thailande, beurre de cacao d’Indonésie, PVC Saoudien produits manufacturés (télés, ordinateurs et portables) du sud est Asiatique chargés à Singapour...


Mardi 23 nov 04 : Dunkerque, France

Chargement : verrerie, levures françaises , trois passagers en direction de Papeete et Nouméa.

Déchargement : laines australienne et néo-zélandaise, whisky anglais, bière hollandaise et belge, vin australien, du PVC et des produits dérivés de la pétrochimie d’Arabie Saoudite, produits manufacturés (télés, ordinateurs et portables) du sud est Asiatique chargés à Singapour.


Mercredi 24 nov 04 : Le Havre, France

Chargement : vin français, effets d’expatriés français aux Etats-Unis, futs en chêne neufs français pour le vin australien..

Déchargement : Vin australien, kiwis et pommes néo-zélandaises (reefers), produits chimiques allemands, Nickel de Nelle Calédonie produits manufacturés (télés, ordinateurs et portables) du sud est Asiatique chargés à Singapour.


… traversée de l’atlantique : le rythme se régularise…


Mercredi 1er déc 04 : New york, Etats-Unis

Déchargement : Vin australien et vin français, bière hollandaise, machines outils et produits chimiques allemands, papier sandinave, effets d’expatriés européens aux Etats-Unis, produits manufacturés (télés, ordinateurs et portables) du sud est Asiatique chargés à Singapour.

Chargement : effets d’expatriés américains en Australie, gros matériel (camions, moissonneuses batteuses) en direction Australie et Nelle Zélande.)



Vendredi 3 déc 04 : Norfolk, Etats-Unis idem

Samedi 4 déc 04 : Savannah, Etats-Unis idem




Traversée de l’équateur : en fonction de l’ambiance sur le bâteau et la présence de civils ou d’éleves officiers, une fête du « passage de la ligne » en l’honneur de Neptune est organisée.



Jeudi 9 déc 04 Manzanillo, Panama

Jeudi 9 déc 04 Panama city, Panama

Passage du Canal de Panama : péage de 70 000 dollars (cf. FORTST~1.BMP)




Samedi 19 décembre : Papeete, Polynésie française

Chargement de quelques refeers chargés de fruits et de légumes.

Déchargement important de conteneurs en provenance de France : du pot de moutarde aux machines outils… Un passager débarque.


Repas de Noël : tristounet, tout le monde pense à sa famille restée à terre…


Lundi 27 décembre : Auckland, Nouvelle Zélande

Chargement : laine ; kiwis, pomme, viande de mouton pour les anglais en reefer.

Déchargement : whisky anglais.


Jeudi 30 décembre : Noumea, Nelle Calédonie

Chargement de 30 à 50 tonnes de nickel à destination de la France

Un passager débarque. Embarquement d’un passager pour l’Europe.

Déchargement : tout ce qui va dans les supermarchés.


Réveillon fêté à bord… Grand repas festif.


Lundi 3 janvier : Sydney Australie

Décharge tout ce qu’on a chargé en Europe et aux Etats-Unis.

Charge des pièces Airbus (machinerie), du grain, des haricots, des lentilles, de la viande de mouton (reefer).


Mercredi 5 janvier : Melbourne, Australie

Chargement de fruit en conserve, de beurre et fromage (cheddar) pour l’Angleterre, de grains, de lentilles et de haricots pour le marché méditerranéen et saoudien.


Samedi 8 janvier : Adelaïde, Australie

Chargement de vin.



Passage du cap Lewin au sud de l’australie : 40e rugissants.



Mardi 18 janvier : Singapour, deuxième port du monde derrière Hongkong.

Chargement : caoutchouc de Malaisie, riz de Thailande, beurre de cacao d’Indonésie, café du Vietnam, yacht de luxe de Singapour, produits manufacturés (télés, ordinateurs et portables) du sud est Asiatique.


Remontée pendant 48 heures du détroit de Malacca, véritable autoroute à bâteaux, infestée de pirates. L’année dernière, le Matisse a même subi une attaque en règle : navigant à vitesse réduite à cause d’une avarie du moteur, il fut abordé par des pirates indonésiens qui cambriolèrent le coffre du commandant ! Pour éviter qu’une telle déconvenue ne survienne, le navire vogue tous feux allumés, à pleine vitesse, en cloisonnant le château pour qu’il soit le plus étanche possible. On arme également des manches à incendie pour faire fuir en les arrosant d’éventuels assaillants…




Vendredi 28 janvier, Jeddah, Arabie Saoudite

Décharge de la viande de mouton, de grains australien, du beurre et du fromage, produits manufacturés (télés, ordinateurs et portables) du sud est Asiatique chargés à Singapour.

Charge du PVC et des produits dérivés de la pétrochimie


Passage du Canal de Suez (dit aussi « Marlboro canal » dû au « bakchich » obligatoire, en général sous la forme de cartons de cigarettes, qui doit être versé aux autorités, en sus d’un droit de péage de 150 000 dollars).


Lundi 31 janvier : Damiette Egypte

Déchargement de PVC d’Arabie Saoudite, de grains, lentilles, haricots australiens, de machines outils d’Europe et de produits manufacturés (télés, ordinateurs et portables) du sud est Asiatique chargés à Singapour, à destination de l’Egypte et des pays du maghreb (Algérie, Tunisie, Libye)


Jeudi 3 février : Malte

Déchargement de PVC d’Arabie Saoudite, de grains, beurre, fromage, lentilles, haricots australiens, de machines outils d’Europe et de produits manufacturés du sud est asiatique (télés, ordinateurs et portables) pour l’est méditerranée (Grèce, Turquie, Liban, Syrie)…


Samedi 5 février 04 : La Spezia…


Bibliographie

indicative


Marcel Fournier, l’hyperman,

Hervé Paturie, La Martinière.

Les coulisses de la grande distribu-tion

Christian Jacquiau Albin Michel, 2000

Carrefour ou l'invention de la grande distribution Christian Lhermie Vuibert, 2001

L’avenir de la grande distribution

Philippe Moati,

Odile JACOB, 2001

Vendre à la grande distribution

Jacques Dioux

RIA Dunod, 2004

La grande distribution vue de l'intérieur

S.Condis,

Vie Et Cie , 2004

Grande distribution généraliste en France La Doc. Fran., 2000 

Négocier avec la gde distribution

Claude Chinardet Éd. d'Organisation, 1999