spécial

consommation 
de 
masse 

...une série en 15 épisodes
d’après mes articles de presse



épisodes précédents :


> le salon des
 arts ménagers

> l’invention de l’hypermarché

> l’épopée du nylon

> histoire des 
congés payés 

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Corfou, été 1954. C’est une jeune bachelière nancéenne de 19 ans qui raconte : « Après un voyage en train puis en bateau de deux jours et deux nuits, j’arrive moribonde. Et alors le miracle à lieu. L’accueil, les fleurs, des gens gentils, souriants, rigolards, portant les valises de tous, la musique, tout le monde qui parlait à tout le monde, des tentes kaki au milieu des arbres, et encore des sourires, des regards, des bises, des farces… Je planais. Qui était qui ? Qui faisait quoi ? On était ensemble, on nageait ensemble, on dansait, on parlait, on mangeait tous ensemble, on faisait des spectacles ensemble. Pas de doute, il existait un paradis terrestre !… »

Béatrice Gartenberg, qui fut « gentil membre », puis responsable du recrutement du Club méditerranée dans les années soixante a peut-être légèrement idéalisé, au cours du temps, ses souvenirs de jeunesse, concède le sociologue Alain Ehrenberg, qui a recueilli son témoignage (1). Il rend cependant parfaitement compte du choc qu’une poignée de Français ressentirent lorsqu’ils découvrirent, au début des années cinquante, la formule du « club de vacances. Une manière alors totalement inédite, à la fois ludique et décomplexée, de « consommer » ses congés payés. Tout au long des « Trente glorieuse », cette façon de chercher l’exotisme dans un ailleurs plus ou moins fantasmé (plein de promesses d’aventures préfabriquées, tout en restant entre soi, en toute sécurité) connaîtra un succès foudroyant.


Voyager “bohême”


Mais retournons à ce fameux été 1954. La guerre d’Indochine vient de s’achever. Le conflit algérien n’a pas encore commencé. La France pacifiée du président Coty et du gouvernement Pierre Mendès-France connaît une phase d’expansion économique sans précédent, qui a rien moins que triplé le revenu des ménages depuis 1948. En 1956, de deux semaines, les congés payés passeront à trois semaines. Le chômage n’existe quasiment pas. Equipée de « pick-up », la jeunesse “branchée” (à l’époque, on dit “in”) de l’époque, twiste sur « That’s all right Mama », le tube d’un blanc bec de 19 ans, un certain Elvis Presley.

Cet été-là, la plupart des jeunes Français passent leurs vacances dans des Auberges de Jeunesse, alors première organisation de vacances en France. Encouragé par la Fédération Française de Camping, qui a ajouté en 1952 le mot « Caravaning » à son nom, le camping familial attire un bon quart des quatre millions de touristes itinérants français – sur huit millions de vacanciers. Déjà des millions d’automobilistes s’engouffrent à cette époque sur la route nationale 7 pour prendre d’assaut les « rivages du midi », comme le chante Charles Trenet en 1955. Les plus argentés d’entre eux iront à l’hôtel. Parmi les plus modestes, ceux que le camping rebute opteront pour d’austères « gîtes familiaux », comme ceux que propose l’association Villages Vacances Familles (VVF) créée par la Fédération Française du Tourisme populaire et financée par la Caisse des dépôts et Consignations, les caisses d’allocation familiales et le ministère du tourisme.

En cette année 1954, une petite minorité de vacanciers ont décidé de voyager autrement. Ils sont encore ultra-minoritaires : quelques centaines tout au plus. Cherchant à fuir la foule grandissante des « juilletistes » et des « aoûtiens », ils sont à l’image de Béatrice Gartenberg jeunes, plutôt sportifs, souvent sans attache familiale ou en rupture de banc avec leur famille. Bref, un peu « bohême » comme on dit à l’époque (Aznavour le chantera dix ans plus tard...). Telle Pat Mortaigne, future chargée de relations extérieures du Club méditerranée, qui séjourna elle aussi à la même époque à Corfou avec le théâtre national de Belgique : « J’avais vingt ans et je n’avais jamais voyagé. C’était une révélation foudroyante de vivre avec mon corps au soleil », confie-t-elle au sociologue Alain Ehrenberg. Ils sont ainsi une poignée d’atypiques à savoir que quelques voyagistes se sont tournés depuis peu vers tous ceux que rebute le tourisme franco-français. Organisés en association, ces voyagistes proposent des formules de séjour à l’étranger dans des « clubs » où, paraît-il, on vit à moitié nu dans une atmosphère « libérée », légèrement subversive...


Le club de l’ours blanc


Le père de cette façon de concevoir ses vacances - scandaleuse pour l’époque : nous sommes ici à la source de la “liberation des moeurs” qui donnera toute son ampleur au cours de la décennie suivante - est un certain Dimitri Philipoff, dit « Dima », un prince russe, champion de water-polo, dont les parents ont fui la Révolution bolchevique. A mille lieues dans l’esprit du « tourisme social »  qui préconise une activité sportive pratiquée de façon rigoriste, ce « dandy fabuleux », comme dira plus tard Gilbert Trigano, a fondé en 1935 sur la côte d’Azur avec quelques amis russes le « club de l’Ours Blanc ». On y pratique certes des activités physiques à peu de frais, les membres étant à peu près ruinés, mais surtout on y vit toute la journée en caleçon de bain, et le soir on joue de la guitare, on monte des spectacles… Bref, « on fait la fête » - une façon de prolonger un mode de vie aristocratique et libéré avec les moyens du bord.

Treize ans plus tard, en 1948, on retrouve ce fameux « Dima » aux côtés d’Edith Filipacchi, la mère de Daniel, le futur patron de « Salut les copains » et de « Paris Match ». Dima et Edith ont créé avec Paul Morihien, ex-champion de natation devenu libraire au Palais Royal, puis secrétaire particulier de Jean Cocteau, le « club des Jeux olympiques » - ces derniers se déroulant à Londres la même année. En 1949, Dima ouvre sous cette bannière le premier « club de vacances » hors de l’hexagone - un village de toile en été à Calvi. Il accueille une centaine de clients en majorité français, parmi lesquels des vedettes comme l’ami Cocteau et l’inévitable Jean Marais.

On y croise aussi un certain Gérard Blitz, dont la sœur Didy s’occupe du bar. Né en Belgique, Gérard Blitz qui clive du diamant à Cannes est un ancien champion de water-polo. Son père a connu Pierre de Coubertin, l’inventeur des Jeux olympiques. Gérard s’enthousiasme pour le mode de vie ludique et sportif de Calvi où, moyennant une formule « tout compris », on vit sous des tentes, entre la mer, le terrain de volley et la plage. Surtout, le village lui rappelle une expérience antérieure vécue dans l’immédiat après-guerre, où il a dû s’occuper de la réinsertion d’anciens concentrationnaires dans un hôtel de Haute-Savoie. Il y retrouve, confie-t-il a ses amis, la même qualité de relations humaines, symbolisée par le tutoiement et la vie au grand air qui fait fi du machisme et des barrières de classes.


triomphe de la “formule club”


C’est en avril 1950 que Gérard Blitz et le skieur nautique Marcel Contal déposent les statuts de l’association club Méditerranée. L’organisme est parrainé par le journal l’Equipe, qui lui offre un large espace de publicité. Le premier village est créé à Alcúdia sur l'île Palma de Majorque. Il propose pour 15 900 francs de l'époque un séjour de quinze jours, voyage compris.

Un autre visiteur est rentré enthousiasmé de sa visite à Calvi. Il s’agit de Paul Morihien, le secrétaire de Cocteau. La même année, il s’associe avec Edith Filipacchi et le couple Lazareff, qui viennent de lancer le magazine Elle avec le groupe Hachette, pour fonder les “Villages magiques”, qui fusionneront en 1956 avec le club méditerranée. Le magazine « Elle » fera une large publicité pour ces villages de 500 places au Tyrol et en Sicile, que fréquentent les stars du cinéma et de l’actualité…

De 1950 à 1954, la recette miracle de la « formule club » est déjà presque entièrement inventée. Elle passe par le “dépaysement” que procure le voyage à l’étranger, un sentiment propice à toutes les libérations sexuelles et sociales que cherche cette nouvelle génération de jeunes gens arrivés sur le maché du travail dans les années 1950 et qui manque cruellement au bon vieux « tourisme social » à la papa, symbolisé par les Auberges de Jeunesse, alors première organisation de vacances hexagonale. Ne proposant des hébergements qu’en France, s’inscrivant dans une longue tradition d’éducation populaire et laïque, ce tourisme-là prône moins les plaisirs de la fête que les joies du stade. « La formule inaugurée par les Villages magiques ou le Club Méditerranée, rompait avec cet esprit un peu rigoriste, héritier du Front Populaire », m’a rapporté Serge Trigano, qui fut président du Club de 1993 à 1997 et chef de village dans les années 1950. « Au Club, ajoute-t-il, le côté festif instaurait un rapport d’égalité non seulement entre ses membres, mais aussi entre le personnel et le client ». Rompre la barrière des classes, c’est précisément ce que ne propose pas le “tourisme social”: si son objectif est bien de faire accéder le plus grand nombre à des pratiques auparavant réservées à une élite, il s’adresse en priorité à l’ouvrier et l’employé. « Les gens pouvaient être d’un âge différent, d’une classe sociale différente. Tous avaient laissé à l’arrivée leur raison sociale pour essayer d’être ce qu’ils auraient aimé être si la vie avait été différente… », confirme Béatrice Gartenberg, poursuivant l’évocation de sa découverte du club de Corfou, ce fameux été 1954.


du ‘collier bar’...


L’année 1954 est marquée par un autre événement qui va bouleverser la vie du club méditerranée, lui insufflant un regain de dynamisme. Contraint par des difficultés financières et des dettes à l’égard de son fournisseur  principal, un fabricant de tentes de campings, Gérard Blitz s’associe à son jeune P-DG, un certain Gilbert Trigano. Un temps rédacteur à l’Humanité et l’Avant Garde, Gilbert Trigano est littéralement fasciné par le club : « c’était une nouvelle manière pour lui de faire du social sans passer par le dévouement militant au service d’une cause politique », témoigne son fils Serge.

Loin de plomber son avenir, l’improbable association Blitz-Trigano donnera au Club Méditerranée un regain de dynamisme. Peaufinant la formule qui fera son succès pendant cinquante ans, Gilbert Trigano inventera les expressions de « Gentil membre » (GM) et « Gentil organisateur » (GO). Dès 1955, s’inspirant des conseils de Corinne Blitz, la femme de Gérard Blitz, qui vécut en Tahiti dans les années 1940, il remplace les tentes dans les villages par les cases polynésiennes. Il invente la même année le ‘collier bar’ où sont enfilées des boules de couleurs qui servent à payer les consommations au bar, les « Gentils membres » vivant toute la journée en caleçon et paréo n’ayant pas de poche où glisser leur monnaie. Une façon de symboliser le rêve anté-capitaliste d’un monde d’abondance qui ne soit pas altéré par l’argent...


...aux vacances “clé en main”


En 1956, le Club ouvre son premier village d'hiver à Leysin en Suisse. Six ans seulement séparent Leysin du premier village d’Alcudia. Comme on est déjà loin des tentes et des vaches à eau... L’imaginaire irénique de la gentillette abondance pour tous, né des privations de la vilaine-guerre-qu’on-ne-veut-plus-voir-ressurgir a déjà glissé vers celui, un tantinet plus “hard”, de la consommation sans entrave, avec ses énormes petits-déjeuners et ses déjeuners-buffet à volonté, la multiplication de ses loisirs sportifs « à la demande » et des animations en tout genre.

Ces services de plus en plus onéreux, réclamés par des clients de plus en plus exigeants obèrent les finances du Club. Malgré l’adoption en 1957 du statut de société anonyme, l’entreprise manque de capitaux. Des objectifs grandioses (comme l’achat d’un bateau de plongée à Tahiti ou la création d’une école de GO à Pompadour) assèchent la trésorerie et l’entreprise frôle la faillite. L’entrée d’Edmond de Rothschild en 1961 comme actionnaire principal assainit définitivement la situation, assurant au club un avenir de prestataire de vacances « clé en main » pour la nouvelle génération des « baby boomers ».

Les années 1970 signent à la fois l’âge d’or et marquent les limites de la « formule club », que maints opérateurs se mettent à imiter avec plus ou moins de bonheur. Surfant sur son irrésistible popularisation, le Club, qui compte à cette date 250 000 adhérent, fusionne avec son principal concurrent, le centre européen du tourisme (CET) pour devenir le premier club de vacances français. Mais entre-temps d’autres compétiteurs ont fait leur apparition : la section touring-Vacances du Touring club de France, les filiales Valtour en Italie, le club Aquarius, les Relais du soleil, le club vacances, Vacances 2000...

L’ère est désormais à la rationalisation : « Aux prises avec une véritable explosion du marché, le Club est alors contraint à serrer les prix, tout en maintenant son niveau de prestation, l’exigence  en matière de confort et de service croissant au fur et à mesure que la France pénètre dans l’ère de a consommation de masse », explique le sociologue Alain Ehrenberg. Mêmes les Villages Vacances Familles s’y mettent en proposant des formules « tout compris » comprenant la restauration et la prise en charge des enfants au travers d’activités sportives et de loisirs.


Derrière la paillotte, la misère...


L’hôtellerie n’est pas en reste. Depuis le début des années soixante, elle s’est organisée en chaînes selon le modèle américain : Sofitel en 1962, PLM en 1966, Novotel en 1967, Méridien et Jacques Borel en 70-71. Ces chaînes multiplient les formules « hôtel-club », comparables à celles proposées par les villages du club. Pis ! Elles installent leurs infrastructures à quelques mètres des villages de Sardaigne, Sicile, Grèce, Turquie, Maroc ou Tunisie, inaugurant la bétonisation de sites autrefois paradisiaques devenus des destinations privilégiées du tourisme de masse.

Un exemple parmi des dizaines : depuis 1954, date de l’installation à l’île Tunisienne de Jerba de quelques huttes par le club méditerranée, la zone touristique de l’île s’est étendue sur plus de 20 Km entre Aghir au sud et Houmt-Souk vers le nord, la capacité hôtelière de l’île passant de 8 300 lits en 1975… À 39 000 lits disponibles en 2002 !

À la fin des années soixante-dix, l’image du club de vacance apparaît sérieusement écornée. En 1978 sort le film les « bronzés », suivie, l’année suivante, des « bronzés font du ski ». Ces deux satires se moquent ouvertement des comportements de Français moyens, complètement indifférents à l’égard de la misère qui peut régner de l’autre côté du mur de leur village de vacance où la course effrénée à la consommation sous toutes ses formes règne en maître. 

Mais plus que les satires et les critiques, qui toutes reflètent la réalité des ravages économiques et écologiques que le tourisme de masse commet partout sur la planète, c’est la guerre du golfe qui mettra, en 1991, un coup d’arrêt provisoire à l’expansion de cette manière de voyager « dans sa bulle », une façon nombriliste de “prendre son pied” où que l’on soit et quoi qu’il se passe autour de soi, pourvu qu’on en ait les moyens, et que maints observateurs considèrent désormais comme le symbole même de l’arrogance du capitalisme à l’occidentale. Un comble, quand on pense qu’il s’adressait à l’origine aux voyageurs désargentés !

Aux prises avec de sérieuses difficultés financières, Gilbert Trigano quittera le Club méditerranée en 1993, puis son fils Serge en 1997. Dirigé un temps par Philippe Bourguignon, ancien directeur général du groupe Accor et d’Eurodisney, puis à partir de 2002, par Henri Giscard d'Estaing, le club, actuellement convoité par Bernard Tapie, qui cherche à recycler les millions acquis dans son procès gagné contre le crédit Lyonnais, cherche ses marques, abandonnant en route sa sacro-sainte formule « tout compris », qui fit longtemps son succès. C’est en développant ses infrastructures en Asie du Sud Est, et multipliant les formules « haut de gamme », aux Etats-Unis notamment, que le club méditerranée a renoué avec les bénéfices en 2005. L’avenir de la « formule club » a de beaux jours devant elle. Reflet des inégalités grandissantes qui règnent dans nos sociétés post industrielles, elle ne s’adresse cependant plus du tout à la même clientèle qu’auparavant.


Texte et image Jean-François Paillard

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(*) Cet article a été publié sous une forme amodiée dans l’excellente revue mensuelle  ça m’intéresse.

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(1) Alain Ehrenberg, in Autrement, Les vacances, janvier 1990

Quelques

repères

chronologiques


1935


Le club de l’ours blanc

paradis des « russes blancs »


Loin des lieux associatifs où s’élaborent les principes du tourisme social, un  certain Dimitri Philipoff, dit « Dima » - fonde sur la côte d’Azur avec quelques amis russes blancs le club de l’Ours Blanc. On y fait du sport à peu de frais, les membres étant à peu près ruinés, mais surtout on y vit en caleçon de bain, le soir, on joue de la guitare, on monte des spectacles. Une façon de prolonger un mode de vie aristocratique et libéré, avec les moyens du tourisme populaire…


1948


Les « olympiens », ancêtres des « gentils membres »


Création par Edith Filipacchi et le fameux « Dima » du club des Jeux olympiques (à cause des jeux qui se déroulent à Londres la même année). Un an plus tard, Dima ouvre un village de toile en été à Calvi. Agrémenté d’un bar et d’une piste de danse, il pratique pour la première fois le forfait « tout compris ». Des vedettes, tels Cocteau, son secrétaire Jean Morihien et jean Marais fréquentent le village…



1949


Gérard Blitz entre en scène


Parmi les visiteurs enthousiastes du village de Calvi, un certain Gérard Blitz. Né en Belgique, il reçoit une éducation très sportive d’un père qui a connu Pierre de Coubertin, l’inventeur des Jeux olympiques. Surtout, ce « village » lui rappelle une expérience antérieure où il a dû s’occuper de la réinsertion d’anciens concentrationnaires dans un hôtel de Haute-Savoie. Il y retrouve la même qualité de relations humaines, symbolisée par le tutoiement et la vie au grand air qui fait fi du machisme et des classes sociales…


1950


Le magazine Elle s’éprend des « villages magiques »


Edith Filipacchi s’associe à Morihien, et le couple Lazareff, qui viennent de lancer le magazine Elle avec le groupe Hachette, pour fonder les Villages magiques, qui fusionneront en 1956 avec le club méditerranée. Le magazine Elle fait une large publicité pour ces villages de 500 places au Tyrol et en Sicile, que fréquentent les stars du cinéma et de l’actualité.


1950-1953


Apparition du club méd.


En avril de la même année, Blitz  et le skieur nautique Marcel Contal déposent les statuts de l’association club Méditerranée. Trois ans plus tard, les termes de Gentil membre (GM) et Gentil organisateur (GO) sont inventés. La cotisation pour devenir GM est fixée à 300 FF.


1954


Trigano prend les rênes


Contraint par des difficultés financières et des dettes à l’égard de son fournisseur  principal, un fabricant de tentes de campings, Gérard Blitz s’associe à son jeune PDG, un certain Gilbert Trigano.


1955


Premier village à Tahiti.


Le prix : 240 000 anciens francs payables en 18 mois sans intérêt. Le voyage durait un mois en bateau.  L'avion ne s'était pas  encore  popularisé. Parallèlement, les cases polynésiennes remplacent les tentes dans les villages, notamment à Corfou, que dirige Didy, la fille de Gérard Blitz. Importé de Tahiti, ou Claudine, la femme de Gérard Blitz à vécu dans les années 40, le paréo fait son apparition.


1956.


Collier-bar


Premier village d'hiver à Leysin en Suisse. La même année, le CM imagine une autre innovation : le collier-bar. Les « GM » achètent des boules de couleur qui leur servent de monnaie pour payer leurs consommations au bar, pour plus de commodité, ces perles sont enfilées sur un collier que le membre porte autour du cou. L’imaginaire de l’abondance de la formule club est définitivement au point avec ses énormes petits-déjeuners, les déjeuners buffet à volonté, la multiplication des bungalows en dur, les loisirs sportifs et les animations de tout genre


1961


Edmond de Rothschild entre dans la danse


Malgré un succès commercial grandissant et  l’adoption en 1957 du statut de société anonyme, l’entreprise manque de capitaux. Des objectifs grandioses (un bateau de plongée à Tahiti entre autres) assèchent la trésorerie et l’entreprise frôle la faillite. L’entrée d’Edmond de Rothschild en 1961 comme actionnaire principal assainit la situation. Rothschild aura la sagesse de laisser le couple Blitz/Trigano à la tête du club.


Années 1970.


L’âge d’or ?


Le club méd’, qui compte

250 000 adhérents en 1970 fusionne avec son principal concurrent, le centre européen du tourisme (CET) pour devenir le premier club de vacances français. Mais entre-temps, d’autres concurrents ont déjà fait leur apparition tels Valtour ou Aquarius.

N’oublions pas les  Villages Vacances Familles créés en 1958 par la Fédération Française du Tourisme populaire. Composés à l’origine de logements familiaux indépendants équipés de cuisine, ils prennent réellement leur essor au cours de ces années en proposant des formules « club » comprenant la restauration et la prise en charge des enfants au travers d’activités sportives et de loisirs. L’hôtellerie s’est organisée en chaînes selon le modèle américain : Sofitel en 1962, PLM en 1966, Novotel en 1967, Méridien et Jacques Borel en 70-71. Ces chaînes proposent des formules de résidences hôtelières comparables à celles du club en installant leurs infrastructures à proximité de ses villages de Sardaigne, Sicile, Corfou ou de l’île Tunisienne de Jerba. Depuis 1954, date de l’installation à Jerba de quelques huttes par le club méditerranée, la zone touristique de l’île s’est ainsi étendue sur plus de 20 km entre Aghir au sud et Houmt-Souk vers le nord, la capacité hôtelière de l’île passant de 8 300 lits en 1975 à 39 000 lits disponibles en 2002 ! Parallèlement, de grands voyagistes, tour-opérateur ou agences de tourisme tentent de réagir en surfant sur l’essor irrésistible du tourisme de masse favorisé par la hausse sans précédent des salaires et de la durée des congés payés, qui passent à quatre semaines annuelles en 1969, tel le Britannique International Tour Charter (ITS) qui vend des voyages tout compris dès 1969. D’autres développent des formules calquées sur les prestations du club méd’, comme Eldorador (Jet Tours), Kappa (Cruise Air) ou la Fram (Fer-Route-Air-Mer). Dès 1970, le voyagiste français offre à ses clients des destinations en Grèce, Tunisie, Maroc Turquie, Bulgarie, Andalousie et Sicile.


1976


Le club méd. réagit


...En lançant la célèbre campagne Publicis déclinant une accroche constituée d'un seul verbe à l'infinitif, flanqué d'un point qui dotait le message de toute sa force : «dormir », où l’on voyait un hamac entre deux cocotiers dans un lagon de rêve ; « nager », un plongeur au milieu de poissons extraordinaires ; « aimer », deux transats côte à côte avec un garçon et une fille se tenant par la main ; etc.


1978

Les « bronzés »


"Y a du soleil et des nanas... on va s'en mettre jusque-là". La pub la plus connue du club Med n'est en fait qu'une parodie inventée par l'équipe du splendid. C’est après avoir fait eux-mêmes l’expérience de la vie au Club Méd. où ils avaient été engagés comme animateurs, que les membres du Splendid imaginent une pièce Amour, coquillages et crustacés. Cette satire se moque gentiment des comportements des Français moyens dans les clubs de vacances très en vogue au milieu des années 1970. Le succès de la pièce éveille l’attention de Patrice Leconte tandis que Balasko, Chazel, Clavier, Lhermitte, Blanc, Lavanant, Jugnot et les autres adaptaient la pièce et reprenaient leurs rôles.

Paru en 1978, le film, dont l’humour avait su capter l’air du temps, fut un gigantesque succès.


Années 1980

 La concurrence s’exacerbe


Le tourisme résidentiel se développe au point qu’il entre dans la grande distribution. En 1986, Leclerc Voyage ouvre un point de vente pour commercialiser à des prix promotionnels et attractifs des forfaits tour-opérateurs proposant un hébergement et des services-club à la carte, les agences étant ensuite installées dans les galeries commerciales attenantes au magasin.


1991- 1992 

Les années noires


La guerre du Golfe qui éclate en 1991 pèse lourdement sur les activités du groupe. Les années qui suivent sont une période de crise au cours de laquelle le Club doit faire face à une baisse de fréquentation importante. En 1992 survient le crash d’un Convair à Cap Skirring au Sénégal ayant fait 30 morts et 26 blessés. Selon l'enquête, l'équipage s'était trompé de site d'atterrissage et toujours selon les témoignages lors de l'audience, l'avion ne disposait pas de programme de maintenance, les sièges étaient défoncés, le pilote âgé était interdit de vol aux Etats-Unis. Le vol affrété auprès d'Air Sénégal par le Club Med était de fait sous-traité à cette compagnie gambienne et, pour le président de l'Association des Victimes de l’accident du Cap Skirring (AVAACS), Thierry Kamami qui avait porté plainte et créée l'association, " l'avion était dans un état déplorable".


1993


Fin de la formule

« tout compris »


Gilbert Trigano quitte le groupe et c'est son fils Serge qui lui succède. En 1997, ce dernier doit démissionner. Il est remplacé au poste de DG par Philippe Bourguignon, ancien directeur général du groupe Accor et d’Eurodisney. L'ambition de l’entreprise, qui a absorbé club Aquarius et achètera Jet Tour en 1999 et Gymnase club en 2001 est désormais de « transformer une société de villages de vacances en une société de services ». Signe symptomatique, en pleine crise de l’économie touristique s’ouvre en février 1996 à Paris le premier salon des vacances en France : Les stands n’exposeront plus des équipements ni du matériel, mais des services « à la carte » : circuits régionaux, croisières thématiques…

Bref, c’est la fin de la formule « tout compris », guerre des tarifs oblige dans une société hyper capitaliste qui construit désormais son avenir autour de la discrimination financière.


En 1994, le club fondera sa publicité sur ce nouveau concept de « vacances à la carte » en introduisant dans le village « trois tridents » de Kusadasi en Turquie une formule de base auquel s’ajoutent des prestations payantes, comme des leçons de tennis ou un repas en restaurant, le sacro-saint buffet à volonté étant remplacé par une restauration snack ! Les actionnaires se frottent les mains: la stratégie s'avère payante et en 2000, le chiffre d'affaires est en croissance de 28 % par rapport à l'année précédente et le résultat net de 51 %.



2001


Gilbert Trigano, l’inventeur du Club Méditerranée décède le 4 février.


2002


Henri Giscard d'Estaing, fils de l'ancien président de la République française Valéry Giscard d'Estaing qui devient PDG du Club Med.


2004-2005


Le groupe hôtelier français Accor entre dans le capital du Club Medi. Avec 28.9% des parts, il en devient l'actionnaire de référence. Lancement d'une nouvelle campagne de pub "Il y a tant de monde à découvrir". Des visages dissimulés au milieu de paysages filmés d'hélico. .Le Club Med a annoncé un retour des profits à mi-exercice en juin 2005. Réalisées par Publicis, les publicités du Club se veulent des illustrations concrètes de cette évolution.


2009


Des bruits courent sur la volonté de Bernard Tapie de prendre le contrôle du cub méd’.



Quelques GOs célèbres qui ont débuté au club : Gérard Le Normand, Vincent Lagaf, Pascal Brunner, Elie Kakou, Alex Métayer…

Quelques

citations


...pénétrantes,

tragiques

ou cocasses.


« Je me réveillai vers midi (…). Dans le miroir de la

salle de bains, je me considérai avec dégoût ; je

ressemblais exactement à ce que j’étais : un

fonctionnaire quadragénaire qui tentait de se déguiser

en jeune pour la durée de ses vacances », Michel

Houllebecq, Plateforme, éd. Flammarion, 2001.


« Comme la Fnac, comme le Club Med,

Nouvelles Frontières

– née avec la civilisation des loisirs –

pouvait symboliser une nouvelle face du capitalisme

moderne.

En l’an 2000, pour la Première fois,

l’industrie touristique était devenue,

en chiffres

d’affaires, la première activité économique mondiale», id.


«Un entrepreneur innovant et dynamique qui a fortement contribué à la démocratisation des loisirs. » C’est en ces termes que le Premier ministre, Lionel Jospin, a rendu hommage à Gilbert Trigano, l’inventeur du Club Méditerranée, décédé le 4 février 2001.

« Au club, on ne s’inquiète jamais. Les canons peuvent tonner en Grèce, en Turquie, en Israël, les gentils membres ne les entendent pas, la « sono » et l’animation couvrent tout ». Le Nouvel Observateur, 15 juin 1975

« Le club Méditerranée devrait aujourd’hui incarner le temps libre plutôt que les vacances. (…) Vous pouvez parfaitement introduire l’esprit du Club à Paris dans un fitness, un mini-club ou un café qui serait un lieu convivial en milieu urbain. (…) Le club devra à l’avenir gérer un esprit incarné par une marque ». Philippe Bourguignon, 1998

« Quand on était chef de village, il fallait tout faire (…). Et puis cette qualité des rapports, cette absence de barrière avec les clients : on travaillait pour eux sans être leurs larbins ». Jean-Pierre Bercert, ancien GO puis directeur du développement au sein du Club Méditerranée.

« L’été 1954, après un voyage en train. J’arrive moribonde à Corfou. Et alors (…) le miracle a lieu : il existait un paradis terrestre. L’accueil , les fleurs, des gens gentils, souriants , rigolards (…) des bises, des farces (…) Au bout de quelques jours, je réalise qu’il y avait des GO et des GM. Pour moi, ça n’avait pas de sens à priori. D’ailleurs, je planais… » Béatrice Gratenberg, ex-gentil membre, puis responsable du recrutement du Club dans les années 60.

« J’avais vingt ans et je n’avais quasiment jamais voyagé . C’était une révélation foudroyante de vivre avec mon corps au soleil, de pouvoir être créative, de rencontrer des gens qui avaient des idées, du talent, une sensibilité », l’actrice Pat Mortaigne, qui séjourna au club en 1960 avec le théâtre national de Belgique.

«  C’est à cette époque que j’ai marché sur l’eau pour la première fois de ma vie. Je n’ai jamais été aussi saoul de puissance, d’ivresse, d’orgueil, de volupté, de bonheur. J’ai eu l’impression d’être quelqu’un de tout à fait extraordinaire. ça a été un des moments forts de ma vie. Et, si c’était vrai pour moi, c’était vrai pour les autres », Gilbert Trigano, cité par Alain Ehrenberg, in Autrement, Les vacances, jan. 1990.

A lire :




Cairn - S'inventer un autre monde Bertrand Réau Actes de la recherche en Sciences Sociale, 2005


persee.fr - Revue de sociologie française, Année 1960, Volume 1, Numéro 1-3, pp. 323-333 L’utopie concrète. Recherche sur un club de vacances, Henri Raymond



Pages web

à consulter

avec profit :


www.souvenirs-dun-gm.net/


Le site d’un fidéle. Photos intéressantes.(cliquer sur « villages

du temps jadis » et « portraits de GM et GOs »)


cf.

http://www.souvenirs-dun-gm.net/villagesautrefois.html


dont

http://www.souvenirs-dun-gm.net/villages/caprera.php


Voir aussi d’autres sites de GO et GM listés sur :

http://www.souvenirs-dun-gm.net/villages/liens.php


«disneylandisation » du club :  Juin 2000. Inauguration

de Club Med World a Paris. CF.

http://www.clubmedworld.fr/homepage.php?id=1&pg=1&lng=1

Faits et chiffres


Tarifs club méd d’aujourd’hui :


14 jours Du 28 juin au 12 juillet Village de KOS, sur la mer Égée

Pour une personne : 4120 euros (2008)



Saviez-vous qu’en 1963, la notoriété du club méd’ devient telle qu’à l’occasion de

l'ouverture du village d'Al Hoceima (première installation marocaine du club méditerranée) l'aéroport international, qui n'est qu'à quelques kilomètres, est tout spécialement construit

pour le club 1 an apres son ouverture sur décision du roi Hassan II. Aujourd'hui encore, les jets de la

Royal Air Maroc transportent les GMs….


Au fait, qu’est devenu le club de Corfou?


Le site découvert par Gérard Blitz en 1952 était d' une beauté

exceptionnelle, avec des cyprès bordant

la route d'accès à la plage.


Pendant 2 ans, il restera un village de quelques dizaines de tentes, comme Alcuida aux Baléares et Baratti en Italie. 


En 1954, les tentes sont remplacées par les fameuses cases polynésiennes.


Au fil du temps, construction d’un

amphithéatre, d’une infrastructure pour le ski nautique, d’une agora, d’un terrain de foot, de deux

restaurants à thème, de 15 cours de tennis, d’une salle de fitness, d’une salle de cardio training, d’un night

club aux soirées techno très prisées dans les années

1990.


A l’arrivée, le «village»  atteindra 700 cases.


Avant de fermer en 2003.